Citations sur Le club des menteurs, tome 2 : Un imposteur à la cour (6)
Si une dame n’est pas en sécurité, dans les rues, alors personne ne l’est, qu’elle soit mendiante ou princesse.
- Voilà qui est très tentant, avoua Clara en étouffant un bâillement. Bonne nuit, Dalton. A demain.
Sur ce, elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur sa joue. Puis elle emboîta le pas à Agatha.
Clara avait à peine la force de gravir les marches. Ce n'est qu'en arrivant sur le palier qu'elle remarqua l'expression abasourdie d'Agatha.
- Pourquoi me....?
Oh non! Elle n'avait pas fait une chose pareil?
Angleterre, 1813
Telle une déesse de tragédie grecque qui aurait mal tourné, elle se tenait sur un piédestal. Sa moue boudeuse et sa pose outrées étaient bien trop suggestives pour une statue classique, de même que l’étoffe opaque drapée sur son corps de manière à souligner ses rondeurs voluptueuses.
Trois hommes étaient prosternés à ses pieds, dont deux sommités de la haute société londonienne. Le troisième était en partie caché derrière la silhouette lubrique. Tous trois couvraient leur idole d’or et de bijoux, et tentaient de la toucher tout en effectuant leurs offrandes.
En bas, à une échelle bien plus réduite que la déesse et ses adorateurs, rampaient les femmes et enfants des deux hommes reconnaissables et parfaitement identifiables. Leur posture pathétique contrastait avec les richesses offertes à la tentatrice.
Fleur et sa cour, disait la légende imprimée sous le dessin.
Gerald Braithwaite repoussa le papier et la ficelle qui entouraient la liasse de caricatures politiques, renversant dans son enthousiasme la plaque indiquant qu’il était le rédacteur en chef. La domestique qui avait livré le paquet se baissa vivement pour la ramasser et la remettre en place. Braithwaite ne prit même pas la peine de la remercier.
Il s’empara du premier dessin, et posa la main sur sa bouche pour réprimer un petit rire qui s’en échappa tout de même. Cette caricature allait faire vendre plus d’exemplaires du London Sunen une seule journée que depuis sa création.
_ Uri, allez chercher des serviettes! ordonna t-il.
Le jeune valet recula d'un pas.
_ Moi? Votre Seigneurie?
C'était incroyable, Uri était un ancien soldat, un redoutable adversaire au sabre, et un domestique loyal.
_ Tu n'es qu'un lâche! tonna Dalton
_ Oui Votre Seigneurie!
_ Les serviettes sont pour le sergent et moi, expliqua-t-il.
Soulagé, Uri déglutit.
_ Bien Votre Seigneurie. Merci.
Il tourna les talons et s'éloigna vivement dans le couloir en appelant une femme de chambre.
Quelques secondes plus tard, Dalton les avant bras enveloppés dans une serviette, s'approcha du malheureux sergent. L'animal qui grondait sortit aussitôt les griffes. Dalton continua de s'approcher. Le chat était toujours aussi menaçant.
_ Sergent, puis-je vous demander quelle a été votre première stratégie? Afin que je l'évite bien entendu.
_ Vous chercher à gagner du temps, monsieur.
_ Je sais, admit Dalton avec un soupir.
_ Je compte jusqu'à trois monsieur. Puis je lâche le chat et je m'enfuis. Libre à vous d'entamer un bataillon entier de domestiques.
_ Sergent, vous dramatisez un peu, vous ne trouvez pas...
_ Un
_ Après tout ce n'est qu'un chat!
_ Deux.
_ Très bien.
D'un geste preste, Dalton tendit les bras, attrapa le chat et se débrouilla pour l'envelopper dans les serviettes. [...]
_ Je vous le laisse Monsieur.
_ Sergent, attendez!
Mais le fidèle majordome qui aurait donné sa vie pour son maître avait déjà disparu.
Votre Seigneurie, je suis parfaitement capable de marcher sans que vous me teniez le bras. Cela fait des années que je m’entraîne.
Les quartiers populaires de Londres empestaient. Les faubourgs qui s’étaient formés au fil des siècles autour de l’estuaire de la Tamise attiraient tous les rebuts de la société. Dans les ruelles sales, une odeur d’excréments et d’urine flottait en permanence. Le charbon brûlait en dégageant une fumée chargée de suie qui provoquait une toux rauque et formait écran aux rayons du soleil.