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Critique de ahasverus


1926. Patrice et Catherine se rencontrent à Paris. Ils ont à eux deux moins de quarante ans. Une timide idylle naît mais Patrice part pour l'Italie. le temps met fin à leur relation platonique et Catherine devient Madame François Courtet.
Patrice part en Allemagne. Les années passent ; les fascismes montent. Apprenant que Catherine pense encore à lui, Patrice décide de la revoir.

Les sept couleurs est je crois le cinquième et le plus célèbre roman de Robert Brasillach. Paru en 1939, il manqua de peu le Goncourt : on lui préféra Philipe Hériat.

C'est d'abord un exercice de style, expliqué par l'auteur dans une introduction : "tous ceux qui ont réfléchi à la technique du roman on noté l'extrême liberté du genre, et sa faculté à admettre toutes les formes (...) Il a paru que l'on pouvait essayer au moins une fois ces divers éléments non plus confondus, mais dissociés." Vingt ans après Joyce et son austère Ulysse, Brasillach, d'une manière plus revendiquée et plus légère, structure son roman en sept chapitres, s'enchaînant bien mais de force inégale. Il les nomme récit, lettres, journal, réflexions, dialogue, documents, discours. le récit, la correspondance, les dialogues théâtreux et le discours sont particulièrement fins et réussis. le ton juste ce qu'il faut de suranné donne à l'oeuvre une force romantique, son sujet un peu exalté me rappelle Morand, et Zweig - notamment pour sa nouvelle Amok.

En exergue de chaque chapitre, Brasillach cite des vers du Polyeucte Martyr, de Corneille. La trame des Sept Couleurs se rapprochent de ce drame qui voit Sévère, premier amour de Pauline, revenir auprès d'elle et bousculer les certitudes de sa fidélité à Polyeucte... à ce détail près que Polyeucte Martyr a pour décor le christianisme, quand Les Sept Couleurs s'étalent sur un fond de fascisme et de nazisme.
Et voilà, patatras ! Fasciste convaincu, Brasillach était en effet le zélé rédacteur en chef du journal "Je suis Partout" qui s'illustra dans une collaboration galopante avec l'occupant nazi. Condamné à mort lors de l'épuration, sa grâce fut refusée et on le fusilla au fort de Montrouge le 6 février 45. On ne l'édite donc plus : il fait partie de ces auteurs maudits dont on reconnaît les qualités littéraires mais dont on peine à trouver les oeuvres romanesques, (Rebatet), quand bien même celles-ci ne véhiculent aucune idéologie fascisante ou raciste.
En effet, le communisme loge dans ce roman à la même enseigne que le fascisme, et ces sept couleurs exaltent avant tout l'engagement idéaliste de la jeunesse. Les jeunes, ces "fondateurs" qui "brisent les statues, des idoles dans le temple", comme le fit Polyeucte. Au terme de leur parcours initiatique et sanglant "se referme, par la sagesse ou par la mort, le cercle de l'adolescence" .

Tiens, c'est encore un auteur maudit, Céline, qui affirmait "Être vieux, c'est ne plus trouver de rôle ardent à jouer, c'est tomber dans cette insipide relâche où on n'attend plus que la mort."

La question est : faut-il oublier les Sept couleurs ?
La question reste : faut-il renoncer aux Deux Étendards de Rebatet ?
Faut-il dissocier l'oeuvre et le salaud qui l'a écrite ? Ou faut-il oublier Céline et ses plus belles oeuvres dans un autodafé absolutoire qui laverait nos péchés ?

"Le sang de Polyeucte a satisfait leur rage,
Je ne sais ni comment, ni quand ils l'ont tué,
Mais je sais qu'à sa mort tous ont contribué."
(Corneille, Polyeucte Martyr, acte I scène III, le songe de Pauline)
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