Plus les années passaient, et plus le prince perdait tout espoir d'échapper à cette malédiction - car, en réalité, qui pourrait un jour aimer une bête?
Confuse, Belle recula vivement. Aussi clairement que si elle avait été présente, elle avait vu la vérité : le prince devenu Bête, le mauvais sort, la rose, l'enchanteresse.
Sa mère.
La rose venait de son jardin. C'était pour cela qu'elle lui semblait si familière.
Belle tenait la rose devant ses yeux. Exactement comme l'avait fait sa mère dix ans auparavant.
Mais dans sa main, sous l'éclat de la lune, la fleur s'étiola. Les pétales tombèrent et se transformèrent en poussière rouge qui disparut avant de toucher le sol. La tige s'évapora progressivement jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.
La Bête rugit de désespoir.
Leurs erreurs sont enterrées avec eux. Ne peut-on les laisser tranquilles ?
- Qu'est-ce que le temps qui passe ? dit Lumière en faisant tourner ses flammes. Pour une chandelle qui brûle par les deux bouts, le temps ne dure pas.
Belle s'était enfin endormie après avoir été surprise à deux reprises à lire sous ses couvertures à l'aide d'un bocal de lucioles.
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Belle imagina soudain son propre corps, allongé dans la neige rougie par son sang, comme un conte de fées qui aurait horriblement mal tourné. Elle secoua la tête :
- Non. Vous ne me feriez jamais de mal.
La Bête lui répondit par un faible sourire. Il se pencha vers elle et déposa un baiser sur son front.
- Je mettrais fin à mes jours avant, susurra-t-il.
Comme si elle sortait d'une longue période d'hibernation, la petite pendule s'étira et bâilla. Tout en s'étirant encore, le petit objet grandit et prit progressivement la forme d'un petit homme rondelet avec une fine moustache. Il se balançait bizarrement sur la table. Il était un peu pâlot, mais semblait en bonne santé, et bel et bien vivant.
- Juste ciel ! s'exclama Big Ben en regardant ses mains et en écartant les doigts. Je… Je suis moi ! La malédiction…?
Elle contemplait les étagères remplies de livres calcinés semblables à des briques noires Il n'y avait presque plus rien à sauver. Même les volumes qui n'avaient pas complètement brûlés s'étaient retracés et agglutinés dans la chaleur de l'enfer.
Toutes les bêtes n'ont pas une apparence monstrueuse.
Il n'y a pas d'aventures sans risques. Tu ne pourras jamais vivre si tu as toujours peur de l'échec.