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Critique de dourvach


Satané Emile BRAVO ! Cela commence en 2008 par une couverture cartonnée aux allures de drapeau belge... Spirou le groom à l'uniforme écarlate discrètement galonné de noir apparaît sur fond jaune doré, cerné par le Rouge et le Noir... Non, non, pas ceux de l'ami STENDHAL mais le Rouge pétard de milliers de Faucillettes et Martelets (& autres objets communistes staliniens contondants et tranchants) et le Noir désespérant des Svastikettes nazillonnes... Dans notre cas, on ne remarque tout cela qu'après bien du temps, d'ailleurs ! Spirou ou le destin de la Belgique, de l'Europe, du monde entier. L'années 1939 : celle où tout bascule.

Le prologue de 1938 à l'Orphelinat de Saint-Pancrace est magnifique de drôlerie cruelle sur seulement 5 pages fondatrices : les curetons y sont épinglés avec finesse (on planque sa "cave" à vin de messe dans le tabernacle... et l'on pense que l'abbé alcoolo aurait "des faiblesses" pour les p'tits enfants...). La Belgique catho trinque, donc ; sauf qu'elle s'occupe d'orphelins, quand même ! Donc, respect bien sûr... C'est dit en cinq pages décisives : le rouquin Jean-Baptiste (dit "Jean-Bapt") deviendra "Spirou" (Spip-Roux) en adoptant l'écureuil Spip de son copain René qui pissa allègrement dans la bouteille de vin du Père Albert (au rhinophyma puissamment pathognomonique) avant de se faire virer... Il est vrai que le Père a été tué (accidentellement) par la chute de la Croix du Christ en fonte... mais les apparences sont contre René ! Voilà comment tout commence...

Mais ne racontons pas trop...

1939 sera l'année fatale de la rencontre de l'ado Spirou et de cette grande asperge de journaleux (toujours bien sapé) de Fantasio travaillant au Quotidien "Le Moustique" (qui pique beaucoup, évidemment...), vantard magnifiquement perché et toujours en mal de "scoops"... C'est ça Bruxelles. Faut rigoler pour oublier la grisaillerie du temps et des temps, d'évidence un peu chargés en drames....

Où l'on apprend au fil des pages que les fantaisies de Fanta auront (en fait) un rien précipité le déclenchement de la Seconde Guerre dans les couloirs du (Cinq Etoiles) "Moustic Hôtel"... tout ça à cause d'un c...n de nobliau de nazillon à monocle répondant au patronyme de "Herr von Glaubitz" que Fanta nomme évidemment von Zorglub (car Fantasio est un peu oublieux) et qui n'acceptera évidemment pas les uppercut généreusement administrés... Une caricature d'Erich von Stroheim, bien sûr... mais sans l'humour ! Ces crétins de nazis aboyant ignoraient jusqu'à l'existence de l'humour. Emile Bravo connaît ça.

La technique de l'uppercut est une rude et belle leçon de "l'école de la rue" : celle que fréquenta le boxeur-star Alphonse Choukroune (tempéré par la couturière parisienne Mme Delastre, avec laquelle les ébats seront particulièrement bruyants derrière les cloisons du ***** Moustic Hôtel).

Dans ce Tome Zéro, cette grosse baderne d'Entresol (le chefaillon de Spirou) a les bajoues, les bacchantes et rouflaquettes du défunt Empereur Franz-Joseph... dont l'Empire austro-hongrois s'évanouit dans les brumes de l'année 1918... Entresol finira, lui aussi, TRES mal au cours du Tome I...

En début de la planche 33 (page 45), on reconnaitra même la silhouette du vendeur de la grande brocante permanente des trottoirs de Bruxelles sous les platanes ensoleillés : le même qui vendra la maquette du trois-mâts de "la Licorne" que Tintin offrira au capitaine Haddock...

Où l'ado Spirou s'amourache de la très jeune femme de chambre Kassandra Stahl (dont il ignorera longtemps le prénom, le nom et l'histoire) ; il lui fera connaître les joies de la promenade en barque (tels Franz Kafka et Gerti Wasner sur les eaux bleus de Riva del Garda au cours de l'été 1913) sur le petit lac aux amoureux du Bois de la Cambre...

Le dessin est beau, sobre, nerveux, le trait décidé... Il s'affinera et se nuancera davantage dans les trois Tomes qui suivront...

N'ayez donc pas peur : tout cela est TRES beau et puissamment original. L'histoire, les personnages, l'authenticité semblent s'inviter et s'inventer ici à chaque case, au fil des pages.

Osons même ici un solide clicheton : "Les dialogues sont étincelants" (Par contre, on laissera leur "Jubilatoire !!!" aux andouilles de journaleux parigots-moutonnants... [vaste pléonasme !])

Humour tendre, discret et merveilleusement insidieux à toutes les cases, verbe concis et précis, chatoiement des ocres de la coloriste Delphine Chedru.

Quatre-vingt pages magnifiques... Grand format. Vous savez, les fameuses éditions Dupuis de Marcinelle à Charleroi... Quelle grandeur de vivre ainsi les débuts d'une nouvelle Ere... Oubliés aussitôt, les Fournier, Tome et Janry, créateurs de "nouvelles aventures" et autres "P'tit Spirou" burlesques de surface...

Parlons ici d'une totale Renaissance "spiroutesque"... d'un Grand Oeuvre d'une profondeur inouïe, rafraichissante...

Mais précipitez-vous donc sur les critiques laudatives de nos petits & petites Kamarads babéliotes ! Ils vous raconteront des choses infiniment plus intelligentes et documentées que mes présentes fantasionneries...

La morale ? Vive Emile BRAVO, ce génie qui nous ressuscite ici l'éclosion miraculeuse du presque-cousin rouquin de Tintin reporter... comme au soi-disant "bon vieux temps" du petit père HERGE : mais Spirou l'orphelin est, à l'évidence un esprit "ingénu" qui se libérera peu à peu de ses chaînes mentales : l'antihéros-boy-scout, au fond...
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