Scène première
- le régisseur -
- Mesdames et messieurs,
L'auteur et le directeur ont l'honneur de vous prévenir que cette pièce a pour sujet l'étude de la syphilis dans ses rapports avec le mariage.
Elle ne contient aucun sujet de scandale, aucun spectacle répugnant, aucun mot obscène, et elle peut être entendue par tout le monde, si l'on croit que les femmes n'ont pas absolument besoin d'être sottes ou ignorantes pour être vertueuses.
Rideau ...
- Je n'ai jamais eu de maladie honteuse, moi !
- Ce n'est pas cela que je vous demande. Je vous demande si vous ne vous êtes jamais exposé à en avoir une. Vous vous y êtes exposé ! ...
Alors ce n'est pas de la vertu que vous avez eue, monsieur ... c'est de la chance.
Et c'est une des choses qui m'irritent le plus, ce terme de "maladie honteuse" que vous venez d'employer.
Comme toutes les autres maladies, celle-là est une de nos misères et il n'y a jamais de honte à être malheureux ...
A monsieur le professeur A. Fournier, membre de l'Académie de Médecine
Monsieur,
Je vous demande la permission de vous dédier cette pièce.
La plupart des idées qu'elle cherche à vulgariser sont les vôtres.
Je pense, avec vous, que la syphilis perdra considérablement de sa gravité lorsqu'on osera parler ouvertement d'un mal qui n'est ni une honte, ni un châtiment et lorsque ceux qui en sont atteints, sachant quels malheurs ils peuvent propager, connaîtront mieux leurs devoirs envers les autres et envers eux-mêmes.
Croyez, Monsieur, à ma respectueuse sympathie.
Brieux.
Le cabinet du docteur. Décor posé en angle.
A droite, un grand vitrail, représentant un sujet religieux et tenant presque tout le panneau.
Devant, sur des colonnes, des bronzes et des marbres.
Parallèlement, un très long et très large bureau Louis XIV chargé de papiers et de statuettes.
Entre le bureau et le vitrail, le fauteuil du docteur.
De l'autre côté, un second fauteuil, presque face à la rampe - un tabouret.
A gauche, premier plan, porte d'entrée qui, ouverte, laisse voir une galerie ornée de tapisseries, de statues et de tableaux.
Plus loin, une grande vitrine bibliothèque.
Au-dessus, trois toiles représentant Wallace, Dupuytren et Ricord.
Des bustes de médecins célèbres.
Une petite table et deux chaises.
Au fond, une petite porte.
Le cabinet, somptueux, est littéralement encombré d'objets d'art ...