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Critique de Kirzy


Kirzy
06 novembre 2022

Deuxième polar historique pour Gwenaël Bulteau ( après La République des faibles ) et nouvelle réussite pour cet auteur qui allie talent de conteur évident, plume soignée et capacité à ressusciter une période bouillonnante de l'histoire de France.

Le prologue, totalement immersif, remplit parfaitement sa fonction de machine à remonter le temps. Direction Paris, le 22 janvier 1905, où sont organisées les funérailles de l'icône communarde Louise Michel, rassemblant plusieurs milliers de personnes en un cortège hérissé de drapeaux rouges et de bannières noires, de gare de Lyon jusqu'au cimetière de Levallois-Perret. Parmi elles, Jeanne, une jeune femme disparaît, «  elle ignorait encore qu'elle vivait le dernier jour de son existence. » Un an après, sa cousine, montée à Paris, décide de partir sur les traces de Jeanne pour essayer de découvrir ce qu'il lui est arrivé.

L'enquête en elle-même est plutôt simple, très bien menée, tout est cohérent. Mais on sent très vite que ce n'est pas uniquement sa résolution qui intéresse l'auteur. le Grand soir est certes un polar mais surtout un polar historique et social engagé qui éclaire les luttes sociales et féministes du début du XXème siècle. Des funérailles de Louise Michel, on passe dans les bas quartiers ouvriers de la capitale, puis dans le bassin houiller du Nord secoué par la catastrophe minière de Courrières ( officiellement 1099 morts ), jusqu'aux préparatifs de la première manifestation du 1er mai en France organisée par la CGT pour obtenir la journée de 8 heures. Tout l'arrière-plan politique du roman est bien plus qu'un simple décor et enveloppe totalement le lecteur.

Et c'est d'autant plus passionnant qu'on découvre deux extraordinaires pionnières féministes françaises que l'auteur a inclu dans son récit aux côtés de ses autres personnages fictifs, procédé qui apporte immédiatement de la profondeur à l'intrigue. Il imagine ainsi que Mme Sorgue ( figure de l'anarcho-syndicalisme, soutien actif aux nombreuses grèves ouvrières ) et Madeleine Pelletier ( femme médecin habillée d'un costume d'homme et coiffée d'un chapeau melon, prônant liberté sexuelle et avortement ) ont côtoyé la jeune disparue et possède une pièce du puzzle de l'enquête.

En fait, tout le roman vibre des colères sociales et féministes de la Belle époque, d'autant que les deux cousines que l'ont suit sont des personnages forts et marquants. Jeanne, la disparue, issue de la très haute bourgeoisie, refusait de rentrer dans le rang imposée par sa classe sociale, rejetant farouchement son milieu pour fuguer dans les quartiers populaires, déguisée en ouvrière. Sans s'en rendre immédiatement compte, Louise cherche sa propre voie pour écrire sa vie ; l'enquête qu'elle mène le lui révèlera, en plus de la vérité sur le sort de sa cousine.
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