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Critique de Eric75


En matière de polars, il y a les auteurs dont nous achetons tous les livres, dont nous suivons avec fébrilité les publications annoncées et qui font déborder nos étagères, nos PAL et nos pense-bêtes. A l'opposé, il y a les auteurs dont les livres, depuis des années, nous font comme un clin d'oeil appuyé depuis les étals de nos librairies préférées, et pour lesquels, à chaque fois, nous nous disons à nouveau « ce sera pour une autre fois, soyons raisonnable, j'ai de toute façon dans ma PAL de quoi lire jusqu'en 2020 à raison de 40 livres par an (faites le calcul, c'est mon cas hélas) ».

Jusqu'à une date récente, James Lee Burke faisait partie des auteurs de la seconde catégorie.

Mais dans le cas présent, le grand type qui me faisait de l'oeil depuis sa couverture (si j'ose dire), avec sa silhouette dézingandé, déganzingué… désarticulée et nonchalante, avait tout de Tommy Lee Jones, le front soucieux, le sourcil préoccupé, la grimace révélant un certain accablement devant tant de malheurs en ce bas monde, mais aussi l'éclat de son étoile de shérif-adjoint fixée au ceinturon, permettant d'identifier à coup sûr le célèbre Dave Robicheaux en train d'émerger de la brume électrique des bayous louisianais.

Une seule couverture pour deux Lee, me voilà dans de beaux draps, me dis-je, et dans un titre qui de plus parle de Confédérés, on peut aussi imaginer le général Lee tapi en embuscade. C'est donc une coalition De Lee ligués qui entraîna ma décision d'acheter le livre, et tant qu'à lire du Lee Burke, autant commencer par le plus connu.

Ce bon vieux Dave irait bien refaire un tour du côté du delta de l'Atchafalaya, non pas pour revoir son premier amour qui lui donnait rendez-vous sous le chêne… mais pour tirer au clair une vieille affaire de lynchage d'un Noir dont on aurait retrouvé le cadavre momifié (sous les chaînes). Il ne voudrait pas refaire le chemin à l'envers, et pourtant, taraudé par un sentiment de culpabilité pour n'avoir pas osé dénoncer un crime dont il a peut-être été le témoin dans son enfance, il n'aura de cesse de recueillir les témoignages sur ce drame que tout le monde souhaite oublier.

En parallèle, Dave enquête sur un tueur en série dont l'identité demeure mystérieuse, se lie d'amitié avec un encombrant mais attachant couple d'acteurs hollywoodiens portés sur la bouteille, venus tourner dans la région un film sur la guerre de Sécession, est au petit soin avec sa famille proche, une sorte d'inventaire à la Prévert comportant une fille adoptive et un raton laveur, et s'amuse à jouer au chat et à la souris avec une grosse pointure de la mafia locale, son ami d'enfance Julie Balboni, fréquentation pas très fréquentable, soupçonné de tous les mauvais coups et assez bizarrement producteur du film en cours de tournage dans les bayous.

Tout cela suffirait amplement, après mixage des scènes extérieur nuit et intérieur jour, des travellings sur les bayous, les rues poussiéreuses et les façades des bars à jazz de New Iberia, à générer une excellente ambiance de polar, mais Burke ajoute à cela encore deux touches personnelles.

La première est la touche poétique décrivant le climat particulier de la Louisiane : l'humidité saturée, le frémissement « électrique » de l'air, le grondement du tonnerre, l'éclat des éclairs, les pluies torrentielles… qui annoncent et soulignent les effets tragiques et n'épargnent aucun des personnages, condamnés à ruisseler (au choix, de pluie, de sueur ou de larmes).

La seconde est le recours au surnaturel, que l'on peut regretter mais qui donne incontestablement au roman une tonalité poétique, un supplément d'âme, un caractère unique, un sentiment d'irréalité, un frisson d'inquiétude et de peur indicible, ok j'arrête là, avec l'apparition (sans autre témoin que l'ami Robicheaux) d'un officier sudiste accompagné de sa troupe, le général John Bell Hood, mort et enterré depuis longtemps, qui semble jouer le rôle de la conscience de Dave. Hallucination ? Personnage imaginaire ? Ou fantôme existant bel et bien en dehors des pensées de Dave Robicheaux et visible seulement par lui, comme les morts surgissant brusquement devant Cole Sear, le gamin médium de 6ème Sens ?

Quelques indices corroborent le caractère fantastique de ces apparitions, mais les éléments les plus bizarres peuvent toujours s'accommoder d'une explication rationnelle, même tordue, en cherchant du côté de l'autosuggestion. le choix du genre littéraire est donc à mon avis laissé au lecteur.

N'ayant pas (encore) vu le film de Bertrand Tavernier, je ne m'aventurerai pas à suggérer des comparaisons oiseuses entre le film et le livre, et encore moins à provoquer des débats pour savoir lequel, du roman ou de son adaptation, est le plus réussi des deux. La bande annonce est visible sur Babelio (merci qui ?) et elle est suffisante pour donner une idée du « climat » présent dans le film comme dans le livre.

Ce qui est sûr en revanche, c'est que cette première lecture donne envie de connaître un peu plus les romans de James Lee Burke et son personnage Dave Robicheaux, le plus célèbre shérif-adjoint de New Iberia, Louisiane. C'est tellement vrai que je me demande désormais si James Lee Burke ne devrait pas figurer parmi les auteurs de la première catégorie définie en début de cette critique.
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