AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BazaR


BazaR
17 novembre 2019
Avant d'entamer ce livre, j'avais lu quelques critiques et vu quelques personnes qui avaient réussi à doucher mon enthousiasme a priori. du coup je suis parti sans espérer un chef d'oeuvre.
Subjectivement, j'ai pourtant bien eu mon chef d'oeuvre, de la taille d'un bon coup de coeur. Je dis « subjectivement » car Sémiosis traite d'un sujet qui, lorsqu'il est bien mené, me fait grimper aux rideaux ; le rythme et l'ambiance ne sont peut-être pas à la hauteur d'amateurs de récits typés action énergique.

Ce sujet c'est la communication, lorsqu'elle concerne des sociétés humaines exotiques, mais surtout lorsqu'elle s'adresse à des espèces extraterrestres.
Sue Burke nous a concocté une histoire de communication difficile et harassante entre les générations successives d'un groupe d'humains dont les « Parents » ont fui une Terre en pleine catastrophe sociale et environnementale, et un écosystème aux capacités d'interaction particulièrement développées, surtout sa partie végétale. Pax, c'est le nom de la planète d'accueil (on voit tout de suite les ambitions des premiers colons) a vu apparaître une domination inversée de celle de la Terre : ce sont les êtres à racine qui ont domestiqué les animaux qui se déplacent. Communiquer d'égal à égal, plantes et « animaux humains » ne sont pas sortis de l'auberge et plusieurs générations ne seront pas du luxe.
Mais ce n'est pas tout. Car d'autres « animaux » intelligents ont vécu sur Pax autrefois, et ont laissé des traces. Que sont-ils devenus ? Là aussi la communication aura un rôle difficile à jouer, parfois compromise par ceux qui n'envisagent le concept d'égalité qu'entre « gens de même espèce », quelle que soit celle-ci d'ailleurs.

Ce n'est pas la première fois que je lis un récit dans lequel le végétal dispose d'une sorte de conscience. Je peux nommer par exemple Les racines de l'oubli de Christian Léourier, ou très récemment la nouvelle « Pas de veine » avec le héros de Jack Vance Magnus Ridolph. C'est toutefois la première fois que la communication, on peut même parler d'intégration réciproque, atteint un tel niveau. Sur ce point j'y ai trouvé autant de plaisir que dans le magnifique La voix des morts d'Orson Scott Card. Cela d'ailleurs presque trop loin, trop anthropique. L'intégration « humanise » un peu trop le végétal qui finit par acquérir une pensée quasi-humaine. Je préfère quand il reste toujours une distance à combler. Côté positif : cela permet de partager le point de vue de « l'autre » et d'accéder en profondeur à la « géopolitique végétale » de Pax.

L'autre élément qui m'a fortement touché est l'attitude profondément pacifiste, intégratrice et bienveillante avec laquelle les humains procèdent pour l'essentiel. Je l'avoue, je pars automatiquement du principe que ce genre d'attitude est du suicide ; il y aura toujours quelqu'un pour considérer cela comme de la faiblesse et en profiter pour vous dominer.
Sue Burke s'emploie à montrer que cette attitude, sur le long terme, est extrêmement positive pour tout le monde. L'adopter ne va pas de soi ; il faut que des générations entières avalent des couleuvres, contrôlent leur colère, répondent aux menaces par l'offre d'amitié. L'auteure n'est pas naïve non plus, et les moments où l'action s'emballent à cause de l'échec temporaire de cette tactique m'ont carrément collé au fauteuil (tout en grimpant aux rideaux – c'est lourd à lever, un fauteuil). Sémiosis, c'est aussi le récit d'une tactique pacifique jusqu'au-boutiste qui m'a vraiment interpelé. Il donne un sens nouveau à l'expression « si on te frappe sur la joue droite, tends la gauche ».

Je l'ai dit au début, n'attendez pas un récit d'action où des adversaires se frappent à mort. C'est plus subtil que ça, et cependant par effet de contraste extrêmement violent par moments. Cela donne du plaisir à lire, du beau spectacle, et aussi de quoi réfléchir.

J'ai eu la chance de lire Sémiosis en commun avec la patiente Fifrildi qui n'a, encore une fois, pas hésité à se mettre à mon rythme. Je l'en remercie vivement. Nos échanges ont été très agréables.
Commenter  J’apprécie          5014



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}