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Critique de isanne


" - Vous êtes végétarienne ?

- Depuis trente ans, dit-elle. Pas à cause de l'abattage, comprenez bien. On tue à longueur de temps. On tue pour produire de l'électricité. Chaque route qu'on aménage est une vraie piste de mort. Je ne peux rien contre ça, en revanche je n'ai aucun envie de collaborer avec la nébuleuse de l'agriculture industrielle.(...) "



C'est peut-être l'échange qui sous tend tout le livre, enfin à mes yeux...

Un livre est comme une partition : les notes sont écrites mais chaque interprète, chaque lecteur jouera ou lira selon sa propre personnalité, le tempo de sa vie, le phrasé de ses refus. C'est tout l'art de l'écrivain de faire que d'un récit surgissent plusieurs histoires qui parleront à ceux qui lisent.



Qu'est-ce qui pousse Jean, cette femme âgée et solitaire, à accueillir spontanément celle qui vient l'interroger pour une hypothétique enquête ? Est-ce une reconnaissance d'un moment, d'un être, qui sont tous deux synonymes de transmission ? Comme si celle qui se présentait à sa porte était  "l'attendue"…

Qu'est qui entraîne Kate à franchir le portillon d'une maison qui n'était même pas répertoriée sur le liste de son enquête ? La ressemblance de la maison et de la nature qui l'environne avec le lieu de son enfance et par là même, l'évocation de ce père qu'elle vient de perdre et dont elle ne parvient pas à se consoler de l'absence ? Ce chagrin qui la fait trouver dans l'alcool la force de continuer sans trop avoir à se battre contre les pensées et les regrets qui l'habitent .

Elles vont donc échanger : le fardeau d'un chagrin dont il faut comprendre qu'il est le terreau d'un avenir contre le poids de souvenirs qui sont autant d'enseignements pour appréhender la vie du pays, les engagements, les choix, les refus de chacun, la trame d'une vie.

Si la mort est le ciment de nos routes de vie, sa soeur, la violence est le pavé de nos existences.
Jean va évoquer sa vie, sa famille, ses rencontres : chaque personnage est le symbole d'une période de l'Histoire Humaine des Etats-Unis : Droits Civiques, Guerre du Vietnam, Fat Man et Little Boy, Black Panthers, non -violence, mouvements underground, pacifistes, désertion, trahison…
En faisant défiler les années, Jean expose ses engagements, ses choix, ses refus et ce sont eux les plus importants.
Ne pas écouter tout ce qui est dit par les instances dirigeantes, ne pas croire que la vérité est toujours du côté de ceux qui gouvernent, refuser d'acquiescer à tout et de là, choisir d'avoir une vie en adéquation avec ses principes même si elle est une vie en marge, avec la solitude pour compagne, avec la fuite pour raison d'être, avec la clandestinité pour quotidien.
Choisir qui on aime, même en affrontant une société, être sincère et fidèle à ses aspirations, aux promesses qu'on a faites...
Essayer d'éloigner cette violence qui fait partie de nous, essayer de comprendre l'autre avant de le juger, accueillir celui qui souffre et qui a besoin d'aide en l'occurrence Kate, protéger ceux dont on partage les idéaux même si leur absence en est la condition.
Prendre conscience que cette violence surgira dans l'existence comme une évidence, comme une circonstance qu'on ne pourra éviter...



Livre magnifique, vous l'aurez compris, et encore j'aimerais trouver d'autres mots pour le décrire tant il comptera dans mes lectures.
Une écriture envoûtante, une construction habile pour faire qu'on ne peut le quitter.
Un décor de scènes de films courts-métrages, la référence à nombres de films de grands réalisateurs des années 40-60- Orson Wells, Alfred Hitchcock...- l'évocation de poètes américains – Robert Frost, Marianne Moore… - et les citations des textes d'Emily Dickinson qui sont le refrain de ce récit font de ce livre une fabuleuse découverte comme on a le bonheur d'en faire dans une vie de lecteur.


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