Citations sur L'autre soeur (30)
Ce qui avait commencé par une simple gifle se transforma en quelque chose de pire, bien pire, au point que je regrettai d’être née.
Quand on a une envie pressante, on ne pense plus qu’à ça. Après avoir tout essayé – marcher, m’asseoir, m’allonger –, je frappai de nouveau à la porte, plus fort cette fois.
Nous regardions un feuilleton mexicain pour le cours d’espagnol et faisions de notre mieux pour traduire les dialogues. Le résultat était assez catastrophique, surtout parce que nous n’arrêtions pas de glousser et de répéter les répliques avec des voix sexy. En réalité, c’était une bonne série et, même si aucune de nous n’était prête à l’admettre, nous suivions avec intérêt l’intrigue entre le séduisant beau-fils et la jeune et nouvelle épouse de son père.
Ce n’est pas elle.
Cette fois, nos espoirs ne furent pas brisés mais ressuscités. Nous étions fous de joie. Maman s’effondra par terre, en sanglots, pendant que l’homme nous expliquait pourquoi ils étaient certains qu’il ne s’agissait pas d’elle : la fille avait une cicatrice d’appendicite. Impassible, Papa s’accroupit à côté de Maman pour l’enlacer.
Chaque matin à mon réveil, encore fatiguée et les yeux irrités, j’oubliais un instant que Sarah avait disparu. Parfois je ne m’en souvenais qu’une fois dans la salle de bains ou en entendant Maman me dire qu’il était bientôt l’heure de partir. Alors tout me revenait d’un coup, ce sentiment d’angoisse, de vide. Ce n’était pas un cauchemar, un livre que j’avais lu ou un film que j’avais vu. C’était la réalité.
J’avais la curieuse impression que si je bougeais, pour aller aux toilettes ou boire un verre dans la cuisine, le charme serait rompu et Sarah disparaîtrait de nouveau.
Mais tout le monde était sûr d’avoir retrouvé Sarah, la jolie blonde de quinze ans qui avait disparu. Partie retrouver son petit ami au parc, elle n’était jamais rentrée.
Reconnaîtrais-je sa voix si elle appelait ? Mais c’était impossible. Ce genre de coïncidence n’arrivait que dans les films, pas dans la vraie vie. Malgré tout,je devais l’admettre : c’était pour cette raison que j’avais choisi de devenir bénévole à la permanence, dans le cadre du service communautaire du lycée.
Nous tenions en effet la vie de ces adolescents entre nos mains. Beaucoup d’entre eux appelaient alors qu’ils s’apprêtaient à passer à l’acte : blesser quelqu’un, ou se blesser eux-mêmes. J’étais donc satisfaite de rester à écouter, sans plus de responsabilités. Mais parfois, comme ce soir-là, Marcia me demandait de répondre.
Quand je me regardais dans le miroir, je voyais non seulement mon propre reflet mais aussi le sien : son visage sur les avis de recherche
placardés dans tout Mapleview quatre ans plus tôt, ainsi qu’aux informations télévisées et dans les journaux nationaux. Maintenant que je ne portais plus d’appareil dentaire, je pouvais même sourire comme elle sur notre dernière photo de famille. C’était le sourire d’une fille capitaine des pom-pom girls, qui sortait avec un garçon plus âgé et avait des secrets.