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Critique de Sofiert



Dans le Midwest américain, trois ouvriers du bâtiment vont avoir une incroyable opportunité qui, soit leur permettra de changer de vie, soit brisera tous leurs espoirs. Une avocate richissime leur demande de  construire une maison sublime dans un décor grandiose en 4 mois, avec une échéance ferme et définitive le 24 décembre.
Dès le départ, l'enjeu est posé en termes dramatiques. " Tout ça est euh, franchement hors-normes. A tous points de vue d'ailleurs, alors, j'avoue que là, j'ai des frissons dans les moelles."
Le salaire promis est colossal tout comme la charge de travail, mais ces trois amis aspirent à une vie meilleure et balaient leurs réticences.
En choisissant des personnages largement sous-représentés dans la fiction, Nickolas Butler ouvre des perspectives intéressantes. La collusion entre des ouvriers et leur employeur illustre parfaitement le décalage entre pauvres et riches, et l'auteur ne cesse d'user de superlatifs pour décrire la maison et sa propriétaire afin d'accentuer leur caractère inaccessible. Lorsque Cole imagine une possible relation avec Gretchen, il est renvoyé par l'auteur à son "objectif étriqué", la possession d'une montre Rolex.

La relation conflictuelle entre les ruraux et les nouveaux arrivants haut de gamme, qui modifient l'état d'esprit de la région par un afflux d'argent considérable , est l'un des thèmes les plus forts du roman. "Chaque année, de plus en plus d'argent de l'extérieur de l'État est versé dans leur petite ville de ski pittoresque, de plus en plus d'étrangers portant la Patagonie et la North Face", écrit Butler.
Dans cette confrontation, c'est tout le mythe du rêve américain qui est réévalué. Rêver une vie réussie, c'est surtout rêver de posséder que ce soit une maison, une entreprise ou une carrière. Teddy en prend conscience et se souvient des paroles de son père "L'Amérique est le plus beau pays du monde tant qu'on ne manque pas d'argent."

La seule solution est de travailler de plus en plus dur, toujours davantage. Et les trois hommes ne ménagent pas leurs efforts au risque de leur santé même s'ils doivent pour cela sacrifier leur vie personnelle ou succomber à la dépendance à la drogue.
En dénonçant cette surenchère, cette dérive vers une cupidité sans fond, l'auteur met en garde les lecteurs. Pour illustrer son propos, il utilise l'exemple de Gretchen qui a réalisé ce rêve de réussite mais se retrouve seule et abandonnée. Mais il dispose également du portrait de ces trois ouvriers qui vont se mettre en danger pour accomplir cet idéal de prospérité et d'ascension sociale.

S'il s'attache à montrer l'obsolescence du rêve américain, Nickolas Butler a aussi réalisé un improbable page-turner autour de la construction d'une maison.
Ainsi l'emplacement isolé en montagne, l'attitude énigmatique de Gretchen et le calendrier absurde constituent des mystères exacerbés par le départ inexpliqué des précédents entrepreneurs. Petit à petit, la tension va s'installer alors même que l'auteur, mine de rien, évalue les travaux à accomplir et décrit précisément la mise en route du chantier.
Parallèlement, il cultive  une atmosphère à la Hitchcock avec son héroïne glaciale si proche d'une Grace Kelly, avec ces buses tournoyant au-dessus des ouvriers et ce décor de montagne magique et effrayant.
Au fur et à mesure que les corps s'épuisent, que les obstacles s'accumulent, l'enjeu prend une ampleur considérable. Dans cette course contre la montre, les personnages sont soumis à des pressions croissantes qui vont menacer leur amitié et les inciter à commettre des délits. Ils seront également contraints de prendre des décisions éthiques et de se remettre en question.

Cette maison dans les nuages a tout d'une fabuleuse utopie, et pourtant elle cristallise tous les échecs. Celui de Gretchen dont les certitudes sont cyniquement balayées par ses héritiers et celui des entrepreneurs qui ne sortiront pas indemnes de l'expérience.
Un roman passionnant et formidablement écrit.






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