Ici, tout individu noir était présumé esclave à moins de prouver qu'il était libre, en produisant son certificat de liberté. Un Noir sans papiers représentait une proie légitime pour les Blancs.
-- [...] Je fermais les yeux et revis les enfants occupés à leur sinistre jeu*. «La facilité avec laquelle on s'est adaptés me troublait tellement, dis-je. maintenant que j'ai vu les enfants, je comprends mieux.
-- Comment ça ?
-- Je comprends à quel point il est facile de conditionner les gens à accepter l'esclavage.»
*NB : quelques pages auparavant, la narratrice décrit une scène où de jeunes esclaves noirs jouent "aux maîtres et aux esclaves", mimant ce que sera leur prochaine vie d'adulte sans aucun pathos.
Était-ce la raison de ma présence ici ? Assurer non seulement la survie d'un gamin irréfléchi, mais garantir aussi celle de ma famille, et ma propre naissance...?
J’avais craint de trop garder mes distances avec cette époque étrangère. Désormais, il n’y avait plus aucune distance. Quand avais-je cessé de jouer un personnage ? Et pourquoi ?
«J'ai vu une femme mourir en couches», a-t-il dit. J'ai acquiescé de la tête. «On m'a raconté beaucoup d'histoires à ce sujet. Ce n'était pas rare à l'époque. Les soins médicaux étaient mauvais ou même inexistants...
-- Non, dans ce cas précis, ça n'a rien à voir avec les soins médicaux. Le propriétaire de cette femme l'avait suspendue par les poignets, et il l'a fouettée jusqu'à ce que le bébé sorte, qu'il tombe par terre.»
J'ai avalé ma salive et détourné le regard en me frottant les poignets. «Je comprends.» Weylin aurait-il traité ainsi l'une de ses esclaves enceintes ? J'en doutais fort. Il avait trop le sens des affaires. Mort de la mère, mort du nourrisson : double perte. mais j'avais entendu parler de propriétaires d'esclaves moins regardants. Une femme, sur la plantation de Weylin, avait eu trois doigts de la main droite coupés par son propriétaire précédent parce qu'il l'avait surprise en train d'écrire. Cette femme avait un enfant pratiquement tous les ans. Neuf, à ce jour, dont sept survivants. Weylin la tenait pour une bonne reproductrice et ne la fouettait jamais. Et, les uns après les autres, il vendait ses enfants...
En revanche, je n'appris jamais à me satisfaire de dormir sur le plancher de sa chambre. Mais il n'était pas question que l'on apporte le lit de camp. En toute bonne foi, Margaret ne voyait pas en quoi il pouvait m'être pénible de dormir par terre. Les nègres, ça dormait toujours par terre, non?
P. 388
J'en ai profité pour lire des livres sur l'esclavage, romans, documents, tout ce qui me tombait sous la main, même si ça n'avait qu'un lointain rapport avec le sujet. J'ai même relu certains passages d'Autant en emporte le vent. Mais la peinture de Noirs heureux unis par de tendres liens d'amour, m'était insupportable.
P. 202 & 203
Faudrait-il vraiment que j'entreprenne le long voyage vers un État du Nord pour trouver la paix? Et dans ce cas, de quelle paix s'agirait-il? Le territoire restreint du Nord était plus clément pour les Noirs que le Sud esclavagiste, mais pas de beaucoup.
P. 63
Les gens qui vous aiment exigent souvent de vous plus que vous ne pouvez donner, et ils s’attendent à voir leurs exigences satisfaites simplement parce que vous avez une dette envers eux.
Je comprends à quel point il est facile de conditionner les gens à accepter l’esclavage.