AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Déjà, vous entrez dans ce livre, La modification, avec l'imaginaire qu'il déploie. C'est comme dans un voyage inattendu, c'est comme si on vous disait non pas ce qui vous attend mais le chemin que vous allez prendre. Cela peut être déstabilisant au début et en même temps cela peut s'avérer excitant. En général, j'opte pour la seconde possibilité...
Dès la première phrase, vous entrez dans le livre, ce texte que vous écrivez en quelque sorte en le lisant. C'est cela le propos du roman et l'originalité de la narration. Nous sommes dans ce qui s'est appelé il y a près de soixante-dix ans déjà, le Nouveau Roman... Drôle de genre, souhaitant casser définitivement les codes classiques du roman romanesque.
Le narrateur qui est l'auteur vous voit et vous vouvoie, il vous décrit tel un voyeur et vous devenez acteur de son récit. L'auteur vous parle, il vous décrit tel que vous avancez et agissez dans l'histoire qui devient la vôtre...
Vous entrez en scène, vous n'avez pas le choix, vous êtes happé dans le chemin de ses phrases. C'est un détachement, un pas de côté, qui a plusieurs effets intéressants et ce fut je trouve une idée fort originale, dérangeante un peu aussi...
C'est vrai, il y a une certaine légende autour du Nouveau Roman, dont ce texte écrit par Michel Butor. Je m'en rappelle. Cela faisait longtemps que j'avais entendu parlé de ce livre. Je me souviens qu'au lycée, un professeur de français un peu décalé et passionné par le Nouveau Roman nous en lisait des extraits à foison...
Mais qu'en est-il du roman à proprement dit, du récit, de son sujet, mais surtout, ce qui compte ? Ce qui fait sens ? Ce que j'en ai ressenti ?
Je craignais l'exercice de style, mais j'ai été surpris par le récit, cette fameuse manière narrative, le style, les mots... Contre toute attente, hormis cette originalité de s'adresser au lecteur, le propos narratif est plutôt classique et captivant.
Au fond, c'est une histoire d'amour. Et c'est aussi une histoire d'adultère. Une très belle histoire tout simplement. Une histoire qui naît et se passe dans le train, entre Paris et Rome, mais aussi à Paris et à Rome.
Les trains sont peut-être les derniers vestiges du romantisme, les dernières citadelles de déambulation. Les trains sont des trajectoires qui tracent des rectilignes dans les zigzags de nos vies ; étonnant alors que des histoires parallèles s'inscrivent dans cette géométrie improbable...
Il y a cette rencontre dans le train, cette femme Cécile.
Rome ici m'a invité dans ses dédales et ses rues.
Il y a quelque chose de surprenant dans ce roman dicté par une sorte de formalisme qui se veut par ailleurs rebelle aux codes traditionnels de la narration. Pour autant, le roman pose d'autres codes qui nous surprennent et nous questionnent, nous lecteurs, sur une autre manière très intéressante pour capter un texte, ses mots, ses rivages, ses tangages, ses bastingages.
Le balancement du train est propice au balancement du coeur et des pensées.
Le voyage en train est un voyage en soi. C'est un lieu de transformation. Je voyage souvent en train pour le travail, me déplaçant régulièrement entre Brest et Rennes et parfois jusqu'à Paris. Depuis que j'ai lu La modification, je ne voyage plus de la même manière en train. Il y a eu un temps avant ce livre et un autre temps après ce livre et je ne saurais décrire les détails de cette modification en moi, dans mon regard, dans mes gestes, dans ma façon de monter dans un train, de regarder les passagers leurs visages enfouis derrière un livre ou un écran - davantage des écrans hélas désormais, d'imaginer leurs vies, leurs histoires, je sais que cette modification a eu lieu.
Pour cette raison, ce livre a quelque chose d'un peu envoûtant.
Entre Paris et Rome, ce sont deux versants qui s'opposent et se parlent aussi dans ce train...
Entre Paris et Rome, c'est aussi un voyage intérieur, et comme tous les voyages intérieurs ils mènent bien plus loin que la destination prévue.
Il n'est pas sûr d'ailleurs que ce vouvoiement avec le lecteur crée de l'empathie avec celui-ci. Cela crée un autre univers. Parfois, je me suis demandé si au contraire ce n'est pas une distanciation plus forte encore que l'écrivain a cherché à imposer entre le narrateur et le lecteur...
La puissance d'évocation du livre est grande. Rome devient un rêve presque palpable... Et notre coeur au fond de notre ventre aussi...
Plus tard, ce roman continue de devenir un voyage, peut-être un aller-simple vers nulle part...
Commenter  J’apprécie          5210



Ont apprécié cette critique (52)voir plus




{* *}