AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colka


Il faut aimer le jeu du chat et de la souris pour entrer dans un récit de Jaume Cabré... C'est déjà ce que je m'étais dit après avoir lu Confiteor. C'est toujours ce que je pense en refermant son recueil de nouvelles : Quand la pénombre arrive.
Son style s'est épuré : plus de rupture brutale au niveau spatio-temporel au milieu d'une phrase, plus de phrases inachevées... Il joue moins avec nos nerfs et notre patience ! Son jeu diabolique avec la construction du récit demeure mais dans ce recueil les codes de la nouvelle l'oblige à plus de sobriété, même si chaque récit s'ouvre sur un contexte qui nous plonge d'emblée dans l'incertitude : où est-on ? Qui parle ? On ne sait pas encore. Il faut accepter d'être déstabilisé et jouer la carte du suspense et du dévoilement progressif qui nous conduira vers un dénouement surprenant comme dans Pandore ou nous laissera dans le brouillard comme dans Buttubatta. C'est le côté facétieux de l'auteur !
Autre caractéristique de son écriture et de son univers : son art de jouer avec les limites. Celles de la technique narrative avec cet étourdissant va et vient dans l'espace et le temps où des fils d'intrigue se croisent, s'entrelacent pour se rejoindre dans un dénouement qui nous donne enfin la clé de ce dédale narratif dans lequel nous étions enfermés. Dans Points de fuite, par exemple, le retournement final nous renvoie de façon très peu conventionnelle vers une réalité bien plus folle que ce que nous proposait la fiction.
Jouer avec les limites, l'auteur le fait aussi avec les personnages de ses nouvelles. C'est en effet une belle galerie de meurtriers en tous genres qui défilent sous nos yeux. Qu'il s'agisse de tueurs professionnels traitant un meurtre comme s'il était question d'une banale affaire commerciale ou d'un tueur de petites filles qui nous fait entrer dans sa logique délirante, à aucun moment - du moins à mes yeux - l'auteur ne tombe dans le scabreux ou le voyeurisme. L'humour noir très présent dans ses nouvelles est sans doute l'une des clés de ce tour de force car il fait de cette plongée dans les noirceurs de l'âme humaine une source de questionnements et non de rejet.
Ce que j'ai aussi aimé dans ce recueil c'est le jeu de piste auquel nous invite l'auteur en développant une thématique cachée ou plutôt masquée. En effet, ce n'est pas un hasard s'il est beaucoup question de peinture dans ces nouvelles notamment avec un tableau de Millet La Fermière. Autour de cette oeuvre vont évoluer de façon itérative,dans des récits qui se font écho, plusieurs personnages masculins, , tous amoureux fous de cette paysanne vue de dos qui les nargue... Qu'a voulu nous murmurer à l'oreille Jaume Cabré en nous entraînant dans ce jeu de piste ? J'ai bien sûr une réponse personnelle que je me garderais bien de vous dévoiler. Mais j'ai beaucoup aimé cette façon ludique qu'avait l'auteur pour aborder une thématique très présente aussi dans Confiteor et qui semble l'obséder.
Certes, Jaume Cabré n'est sans doute pas un auteur consensuel mais quel plaisir de le lire quand on accroche à son style et son univers romanesque !
Commenter  J’apprécie          553



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}