AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lenocherdeslivres


Dans Melmoth furieux, Sabrina Calvo dessinait les contours de la Commune de Belleville : ses habitants, son architecture, ses (non)-règles de vie. Une utopie faite de bric et de broc, portée par des désirs de liberté et de respect de l'autre. Mais toujours sur le fil du rasoir car entourée, cernée par des forces armées hostiles à ce mode de vie, à ce non-respect de la norme établie. Dans Maraude(s), Dilem & Bri nous font faire le tour de cette enclave fragile mais précieuse.

Place Krasucki (que de souvenirs à l'évocation de ce nom !), point de départ des maraudes de ce petit opuscule. Je suis navré d'utiliser Google Maps tant cela va à l'encontre de tout ce que véhicule l'ouvrage, mais n'habitant pas Paris ni sa proche banlieue, et désirant tout de même mettre des images sur ces lieux, je saute le pas. le petit bonhomme jaune me transporte sur une place construite autour d'un arbre au feuillage accueillant : « le Micocoulier – increvable et déjà centenaire ». Ça met tout de suite dans l'ambiance. Et nous partons pour une promenade. Je laisse de côté la carte électronique pour me plonger dans les mots. Maintenant que j'ai une image de départ, je reviendrai aux pixels après ma lecture complète de Maraude(s).

Huit courtes balades à travers cette commune, morceau de Paris sorti de son carcan rigide et mortifère, empli d'yeux espions et de groupes armés. Point de départ, à chaque fois (ou presque), la place Krazu. Et les auteurs nous convient à un parcours au fil des rues, des cours, des immeubles. Entre ceux qui sont libérés, ouverts à l'échange, à la réflexion, à l'expérimentation. Et ceux qui se cloîtrent, fermés sur eux, avec des murailles faites de grilles et de codes, enclaves dans l'enclave. Promenade parmi des gens différents, parfois en désaccord, mais toujours prêts à discuter, à échanger, pour améliorer le quotidien dans le respect de l'autre.

Face à eux, le reste du monde. Et les relations ne sont pas au beau fixe. « Car c'est une guerre. » Guerre interne et externe. Comme je le disais plus haut, certains « riches » n'ont pas quitté Belleville et se recroquevillent dans leur propriété, enfermés, protégés par des barrières. Ils militent pour tenter de bloquer les changements impulsés par la Commune en proposant leur propre vision du monde, à base de « bouts de métal anti-clodo sur les bancs publics. » (Brassens doit se retourner dans sa tombe). Les contrôleurs de la CAF se sont regroupés et effectuent des contrôles sans raison. Traces anciennes de la vie d'avant qui n'ont pas réussi à passer à autre chose. Et les joggers continuent à courir, en régiments, en « véritables cyborgs mercenaires ». Heureusement, certains ont mis leur besoin au service de la Commune, produisant de l'électricité.

Mais le danger rôde, car la guerre externe avec la « cité connectée » n'est pas terminée. Loin de là. Toujours plane « la menace policière ». Les barricades sont dressées et tiennent. Enfin, pour la plupart. Et les militants affûtent leurs armes. Certains vont jusqu'à fabriquer des explosifs. Une guerre, je vous dis. D'autant que des espions tentent sans cesse de pénétrer la Commune et d'y disposer ses « yeux » : les « bubons-caméras ». Observer pour mieux détruire. Mais ils auront du travail, à vouloir cartographier et organiser ce labyrinthe tortueux et varié.

Cette Commune est foutraque (plus encore que le monde des Flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert), pleine de différences et d'oppositions. Mais elle est vivante. On y retrouve des gens passionnés par ce qu'ils réalisent. Et c'est merveilleux. Par exemple, comme dans Melmoth furieux, le tissu est encore et toujours là : les copines couturières tissent et cousent des « manteaux impossibles ». Et quand l'une d'entre elles est embarqué hors de cette zone de liberté, on organise un commando pour la récupérer. Au nez et à la barbe des « normies », des forces de l'ordre, de ces représentants d'un Empire guerrier et violent.

J'ai fini de lire Maraude(s) et, la tête pleine d'images, je vais les confronter à celles, pixellisées, de Google. Prolongement finalement bienvenu, qui me permet d'ancrer ce monde dans le monde réel. de comprendre que cette lutte décrite n'est pas que de papier et d'encre mais également de béton et de sang, de chair et de bitume. de donner encore davantage de vie à une Commune dont on ne peut qu'espérer qu'elle va continuer à résister.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          259



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}