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Critique de Zora-la-Rousse


Toutes les quatre semaines, j'ai institué avec mon meilleur ami un rdv devenu incontournable : la visite à la médiathèque. Quel plaisir de baguenauder ensemble dans les rayons, de laisser traîner nos regards sur les livres rangés ou exposés, de chercher un ouvrage précis ou d'en découvrir un jusqu'alors inconnu...
Et toujours la même scène finale au sortir du bâtiment : « Comment va-t-on trouver le temps de lire tout ça?!? », pour immanquablement éclater de rire devant ce comique de répétition : nous répétons cette réplique à chaque fois, et ce, pour notre plus grand plaisir.

Et c'est ainsi que j'ai trouvé « Melmoth furieux ».
Quelle couverture ! Quel titre en même temps ! Je ne pouvais que m'y arrêter, m'interroger et parcourir la quatrième de couverture : l'histoire d'une couturière qui a rejoint la commune solidaire de Belleville et qui veut détruire Eurodisney avec une bande de gosses pour venger son frère… What ? Ce roman m'appelait littéralement.

Et tout est dit en ces quelques mots. C'est effectivement l'histoire de Fi, qui joue de fils et d'aiguilles pour vivre, s'exprimer, refréner sa colère… Parce qu'elle est un peu abîmée la demoiselle, angoissée, torturée même. Il faut dire que dans le monde dans lequel elle vit, dans cette zone auto-gérée en lutte contre un État autoritaire, c'est bien au jour le jour que la vie se gère.
Fi est hantée par la mort de son frère, une fin terrible alors qu'il travaillait dans l'enceinte et pour Eurodisney. Mais elle l'est encore plus par le combat qu'il menait contre cette structure qu'il soupçonnait d'être la pire engeance d'un capitalisme néo-libéral, au solde de l'État, prêtant ainsi ses murs pour emprisonner les opposants, exploiter les enfants et leur voler leurs amis imaginaires. Alors elle imagine le projet fou d'y mettre fin, rejointe par la bande de gamins qu'elle a recueilli mais aussi d'un ami de son frère, un dénommé François Villon.
Autour d'elle, du refuge qu'elle s'est choisi, le bastion de Belleville gronde et s'échauffe, les barricades se dressent ; ses occupants ne veulent pas disparaître et voir leur cité rasée comme d'autres ont déjà pu l'être. Bientôt le chaos ?

Dès l'entame de ce roman d'une grande et belle complexité, j'ai très vite compris qu'il me fallait me laisser porter par le texte, par les mots, par la poésie de Sabrina Calvo. Accepter d'abandonner une certaine forme de réalisme pour me laisser bercer par le fantastique et l'onirique ; de pénétrer ce monde nouveau et étrange, et pourtant, provoquant le sentiment de déjà-vu, de déjà vécu, un univers à la fois proche et très éloigné du nôtre. L'histoire ne serait-elle qu'un éternel recommencement ?

Moi qui n'ai jamais vraiment apprécié le monde féerique de Disney, me voilà servie. Moi, la fan de The Cure, de Bauhaus, me voilà ravie. Ce roman me parle proprement mais va plus loin encore, il m'emmène vers un inconnu si séduisant sous cette plume : la couture. Depuis le travail à la chaîne jusqu'au travail minutieux de l'artisan, tout y est : le vêtement-identité, le vêtement-protecteur, l'enveloppe, la seconde peau ; et puis, plus fort encore, le travail de tissage social, de tissage politique.

L'insurrection qui naît là, dans cette commune libre de Belleville, se vit au quotidien, à chaque instant, dans un mode vie volontairement différent, où tout se trouve ré-inventé ; l'habillement bien sûr mais pas que, le relationnel aussi, la manière d'être. Homme, femme, être surnaturel, peu importe véritablement, nous voilà plongés dans un monde non genré, ou plus exactement, au-delà du genre. Et c'est juste magnifique.

Bon, vous l'avez compris, je suis sous le charme de Sabrina Calvo.
En une phrase : « Récit d'une lutte sociale émaillé de fantastique, Melmoth furieux nous donne à voir les failles de notre époque et les combats qu'il faudra encore mener ».

Je crois que j'ai vu Toxoplasma à la médiathèque… Il est pour moi !
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