Nous nous réaliserons dans nos créatures, dans la matière vivante de notre imaginaire. C'est le rêve que nous opposerons à leur désert.
Sans rêves et sans réalité
Aux images nous sommes condamnés
Nous nous réaliserons dans nos créatures, dans la matière vivante de notre imaginaire. C’est le rêve que nous opposerons à leur désert.
C'est de la poésie, nos luttes. (101)
Posée sur un tabouret, coudre à m'en faire saigner le bout des doigts. Les rotations du poignet entre les ongles suspendus et le fil et l'aiguille.J'entre dans un souffle doux de patience et d'attention où chacun de mes gestes est apaisement. Une tâche lente qui engage mon corps entier, penché sur l'ouvrage.Là dans la matière, je trouve sensualité, je trouve expression du silence qui enfle et gonfle et déforme pour tirer, ouvrir et devenir.
Elle fronce les sourcils, alors j’insiste.
– Tu vois, c’est comme essayer de dire que des vêtements peuvent se gonfler d’une idée, de l’intérieur d’eux-mêmes. D’espoir, de force. De résistance. Comme ces fantômes dont tu parlais, qui hantent encore les habits des pauvres gens qui sont morts ici. Si on les gonfle assez, peut-être que ces fringues pourraient même nous protéger des balles. Assez pour pouvoir couvrir nos combattantes. On peut fabriquer des spectres.
– Mais pour faire cela, il faudrait des textiles qui n’existent pas.
– Je les ai. J’ai de l’essence magique pure. De la poésie physique qui se manifeste depuis la matière elle-même.
Toute la rage d’une génération qui vient réclamer son dû, heurtée aux principes, aux traditions d’un monde solide assis sur ses privilèges.
C’est la reconstitution sans fin de l’affrontement qui a conduit au désastre, au perpétuel désastre.
Je trouve une bouffée d'air frais qui me retourne le ventre en crêpe tatin. Je m'assois sur le trottoir pour vider ma bile. Je me lâche entre mes genoux et tout coule hors de moi.
De nouvelles bandes gonfleront nos rangs, rien ne pourra plus nous arrêter - nous serons la marée du vivant qui se jette inlassablement - des remous de nous échos de l'écume bouillonnante, roulements.
La Commune de 71 était un acte d’organisation ouvrière radicale. Que sommes-nous aujourd’hui, au crépuscule de cette nouvelle semaine sanglante ? À la merci d’armes nouvelles qui touchent ce que nous avons de plus précieux – nos rêves.
Je ne sais pas ce qu’on va faire, une fois passé les barricades. Mourir, peut-être. Mais il reste une chance. Je la porte en sourire, malgré les doutes. Nous devons boire à la source de ce qui nous fait vibrer. Nous nous transmettons les bouteilles d’eau pour célébrer le futur. On a nos propres sources, c’est bien tout ce qui nous reste à Belleville, de l’eau. Et un futur.