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Critique de Melisende


Si vous êtes un.e habitué.e de ce blog, vous savez sans doute que le mouvement préraphaélite est mon préféré entre tous. La bannière est là pour le prouver, bien que le peintre John William Waterhouse soit affilié au mouvement et non membre officiel.

J'ai récemment lu Autumn de Philippe Delerm qui prenait déjà place au sein du cercle préraphaélite, entre les artistes, leurs muses et leurs proches et j'avais adoré cette vision d'ensemble, pleine d'intensité et habitée par un magnifique élan créatif. Mais j'ai trouvé ici, grâce à Rita Cameron, une intimité encore plus grande et donc encore plus d'émotions fortes. Je suis ressortie tremblante de ce livre, définitivement marquée par cette histoire et certaine que j'y reviendrai un jour, pour une relecture à un prochain moment de ma vie.

Pourtant, toujours pas de point de vue interne ici, mais tout de même un focus sur la relation entre Dante Gabriel Rossetti et Elizabeth Siddal. Si Philippe Delerm et la mini série Desperate Romantics nous offraient une vue d'ensemble, passant un peu de temps auprès d'autres artistes et d'autres couples du cercle, Rita Cameron se concentre uniquement sur Rosetti et Lizzie. Et encore plus sur cette dernière.
On croise donc brièvement les peintres Millais et Hunt, un peu plus le critique d'art Ruskin, la serveuse (prostituée ?) Annie Miller et la famille proche du couple ; mais le lecteur est surtout enfermé dans le huis-clos et la vie assez introspective d'Elizabeth Siddal, marquée par la vision artistique de Rossetti qui souhaitait peindre la nature, la lumière et la beauté, loin des définitions restrictives imposées par l'académie officielle. Une vie marquée par une quête artistique, une vie de bohème. Et quelle vie !

Non considérée comme une « belle femme » selon les standards de l'époque, Lizzie marque pourtant les esprits grâce à sa silhouette élégante, son allure charismatique et surtout, cette épaisse chevelure rousse symbole de toutes les ambiguïtés. Lorsque Rossetti la croise la première fois, elle lui apparaît comme une incarnation de la Béatrice de Dante Alighieri (l'auteur de la Divine Comédie, qu'il est justement en train de traduire), une figure médiévale idéalisée et rêvée.
Dès lors, Rossetti n'aura de cesse de courir après cette vision. Lizzie sera l'instrument qui transcendera son oeuvre et lui permettra de traverser les époques. L'a-t-il véritablement aimée, elle, Elizabeth Siddal, ou ne voyait-il en elle que sa Béatrice idéalisée ? Difficile à dire. Je préfère penser qu'il y avait au moins une petite réciprocité même si les éléments ici apportés par Rita Cameron (pour la plupart largement romancés) font tout de même parfois douter des sentiments du peintre pour sa muse.
Quant à Lizzie, jeune femme passionnée de littérature, d'art et de poésie, elle vécut sans doute plus de moments difficiles que de longues périodes de bonheur mais sa rencontre avec le cercle préraphaélite changea le cours de sa vie.

J'aurais pu me scandaliser en découvrant sa situation, j'aurais pu avoir envie de lui ouvrir les yeux, j'aurais pu lui hurler de fuir un destin tragique et de se tourner vers un autre homme, plus stable… mais en fait non, je crois que je l'ai comprise. J'ai donc été particulièrement touchée par le côté introspectif du texte. Rita Cameron parvient parfaitement à décrire les pensées et émotions qui peuvent traverser la jeune femme. Quelle intensité là-dedans !
Alors oui, l'histoire finit mal. Je ne spoile pas, La Muse retrace la vie de figures ayant réellement existé, au milieu du XIXe siècle en Angleterre (le contexte historique n'est pas tellement mis en avant, c'est plutôt la recherche artistique de cette époque qui l'est !). Oui c'est tragique, oui c'est infiniment triste et parfois révoltant. Mais mieux vaut une passion qui détruit qu'une vie d'ennui, non ?

Outre la retranscription de la relation entre Lizzie et Rossetti, j'ai aussi beaucoup apprécié que Rita Cameron s'attarde sur une facette méconnue de la vie de la jeune femme. Jusque là, Elizabeth Siddal était surtout connue comme « la muse de Rossetti » (et des autres peintres préraphaélites) mais elle était elle-même une jeune artiste talentueuse, d'une grande sensibilité et ses oeuvres (ses dessins, ses peintures, ses poèmes) étaient habitées d'une force remarquable, reconnue par Ruskin lui-même ! Elizabeth Siddal n'était pas que « la muse », elle n'était pas qu'une femme amoureuse ; mais une femme de chair et de sang, une artiste à part entière. Je remercie l'autrice de nous le rappeler.

La Muse c'est l'histoire tragique d'une passion amoureuse qui nourrit autant qu'elle détruit, au coeur de l'Angleterre, au milieu du XIXe siècle, dans les cercles d'artistes bohèmes. La Muse c'est l'histoire d'une femme dont l'image sacralisée a traversé les siècles et qui est irrémédiablement associée aux oeuvres qu'elle a inspirées car sans Elizabeth Siddal, le mouvement préraphaélite n'aurait sans doute jamais pris son envol.
Lien : http://bazardelalitterature...
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