Un peu plus de soleil-et j'aurais été braise.
Un peu plus d'azur-j'aurais été au-delà.
Pour l'atteindre, me manqua un coup d'aile ...
Si au moins j'étais resté en-deçà...
Mario De Sà-Carneiro
Dispersion( extrait)
Je me suis perdu en moi,
Labyrinthe que j 'ėtais;
Et voici que désormais
Je sens le manque de moi.
Et j'ai traversé la vie
En astre fou qui rêvait.
Anxieux d'outrepasser,
J'ai même oublié ma vie...
Poème de Sá-Carneiro
Oui, je sais bien
Oui, je sais bien
Que jamais je ne serai quelqu'un.
Je sais aussi
Que jamais mon oeuvre ne sera finie.
Je sais, enfin,
Que jamais de moi je ne saurai rien.
Oui, mais à présent,
Tant que dure ce moment,
Ce clair de lune, ces ramures,
Cette paix qui nous entoure,
Laissez-moi me croire
Ce que jamais je ne pourrai être.
Poème de Ricardo Reis (Fernando Pessoa)
Volupté ( extrait)
Je tiens des dalhias rouges sur mon sein ...
Tels les doigts du soleil quand je t'étreins,
Enfoncés dans ton coeur comme des lances!
Et de mon coeur les molles arabesques
T'enveloppent dans des cercles dantesques
Félinement, en sensuelles danses...
Florbela Espanca
A une jeune fille ( extrait)
Ouvre les yeux, brave la vie ! Le sort
Doit s'accomplir ! Déploie tes horizons!
Par-dessus les bourbiers dresse des ponts
Avec tes jeunes mains, ton vrai trésor.
Sur ce chemin de la vie qui fascine
Passe les monts, et poursuis droit ta course!
Croque les fruits en riant! Bois aux sources!
Embrasse ceux que le sort te destine !
Florbela Espanca
BUREAU DE TABAC
fragment
Je ne suis rien.
Je ne serai jamais rien.
Je ne peux vouloir être rien.
A part cela, j'ai en moi tous les rêves du monde
Alvaro de Campos (Fernando Pessoa)
(...)
Qu'importe à celui à qui rien n'importe
Que l'un perde et l'autre gagne,
Si l'aurore point toujours,
(...)
Ricardo Reis (Fernando Pessoa)
Changent les temps, changent les volontés,
et change l'être et change la confiance ;
le monde entier est empreint d'inconstance,
gagnant toujours nouvelles qualités.
Sans cesse nous voyons des nouveautés,
différant en tout point de nos espoirs ;
du mal restent les plaies dans nos mémoires,
et du bien (s'il en exista) le regret.
Le temps couvre le sol d'un vert manteau,
que la neige glacée couvrait naguère,
et convertit mon doux chant en sanglot.
Et non content de changer chaque fois,
il nous étonne en changeant plus qu'hier,
car il ne change plus comme autrefois.
Camões - "Changent les temps, changent les volontés"
Dans nos rues, quand le crépuscule vient,
Il y a tant de sombreur, tant de mélancolie,
Que l'ombre, la rumeur, le Tage et la marée
M'animent d'un désir absurde de souffrir.
(Extrait d'"Angelus" de Cesario Verde)