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Citations sur Le maître dans la diffusion et la transmission du boudd.. (143)

Jeanne, disciple de Guèn Lhamo, n'est absolument pas dérangée de voir cet inclusivisme. Elle n'est jamais allée dans un autre centre tibétain et admet qu'elle a peu lu sur le bouddhisme, car elle a « assez à faire avec l'enseignement ». Elle ajoute : « Je pense que cela ne sert à rien d'aller voir dans plein de traditions différentes, le mélange n'amène rien de bon ou alors, c'est une fuite ». En ce qui concerne le culte de Shugden, Jeanne ne connaît pas toute l'histoire qui entoure ce culte et s'adonne à lui avec les autres membres du centre, car il « aide à améliorer les conditions de la pratique spirituelle ». Elle admet avoir des doutes sur le Dalaï-Lama et sa pratique spirituelle car « c'est un homme politique et donc de pouvoir ».

Lors d'un entretien avec J-C. Carrière qui lui demande si le bouddhisme est protégé de l'intégrisme, le Dalaï-Lama répond :
« - Les principes mêmes du bouddhisme sont à l'opposé du fondamentalisme. Ils disent au contraire qu'un grand flot nous emporte, que rien n'est stable pour toujours. Il n'empêche qu'en ce moment en Angleterre, un lama de bonne formation se comporte comme un véritable chef de secte.
- Un lama intégriste ?
- En tout cas, il interdit tous mes ouvrages, tout contact avec moi, toute image du Dalaï-Lama. Il m'accuse de ceci et de cela. Ses fidèles, quelques milliers, n'ont le droit que de lire ses livres, que d'afficher et de vénérer sa photographie. Et ainsi de suite ».
Outre une vision idéaliste du bouddhisme qui ne devrait théoriquement pas engendrer de fondamentalisme, le Dalaï-Lama n'hésite pas à qualifier Kelsang Gyatso de « véritable chef de secte ». Sa critique se répercute auprès de milliers de bouddhistes et sympathisants qui reprennent à leur compte le discours du pontife. Pour des pratiquants Guélougpa rencontrés entre 2001 et 2007, notamment ceux qui se réclament de la FPMT, l'évocation de Dorjé Shugden évoque souvent un malaise et surtout beaucoup d'agressivité à l'encontre de ceux qui s'y adonnent, perçus comme de dangereux hérétiques.
Pour autant, d'autres maîtres Guélougpa qui enseignent en Occident continuent à pratiquer Dorjé Shugden, ayant tous eu le même maître, Trijang Rinpoché.
p. 340
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Dorjé Shugden est considéré comme le protecteur de la lignée Guéloug et sa pureté doctrinale. Pour certains, Shugden ne tolère pas que des lamas Guélougpa étudient ou reçoivent des enseignements d'autres lignées, notamment des Nyingma.
Dans une version plus historique et en accord avec ce qu'en dit G. Dreyfus, ce n'est qu'au XXe siècle que la connexion entre Dorjé Shugden et Drakpa Gyaltsen semble établie. C'est le maître Pabonkha Rinpoché (1878-1941) qui serait à l'origine de ce lien, spécialement pour faire face au renouveau des autres écoles, notamment le mouvement Rimé qui connaissait alors un succès grandissant. Il trouvait en fait le moyen, selon G. Dreyfus, d'adopter la déité Dorjé Shugden (qui n'était pas auparavant une déité guéloug) et d'en faire la protectrice principale de son mouvement, très exclusif, considérant la tradition guéloug comme suprême et dont les disciples « étaient avertis des terribles conséquences au cas où ils manifestaient un intérêt pour d'autres traditions. Shukden serait là pour s'occuper d'eux, ainsi que l'illustrait l'histoire de quelques lamas gélugpa éclectiques qui moururent prématurément de sa main ». Le XIIIe Dalaï-Lama lui aurait interdit cette pratique, arguant qu'elle courrait à la destruction du bouddhisme. Le Dalaï-Lama actuel a pratiqué Dorjé Shugden car il en a reçu la transmission de son tuteur Trijang Rinpoché, lui-même disciple de Pabonkha Rinpoché.
p. 337
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« Les lamas nous enseignent la compassion. La compassion bouddhiste n'a rien à voir avec la charité chrétienne ou l'aide directe à autrui, non. Nous prions pour que tous les êtres puissent se libérer et atteindre l'éveil sans aucune distinction. Et c'est beaucoup plus important que si tu donnes à manger à un SDF ou si tu aides ponctuellement telle ou telle personne car c'est toujours profondément égoïste ; pour soulager ta conscience, par passe-temps ou par égocentrisme. Si les gens sont dans telles ou telles situations, ce n'est pas par hasard, alors quand tu comprends la loi du karma, tu comprends aussi que tu ne peux pas aider véritablement autrui. » (Julie, 44 ans, fréquentant un centre Kagyü, Paris, 2004)
Le karma justifie ici les positions et les situations sociales des personnes et il n'est pas possible d'interférer contre cette loi immuable, l'action sociale est donc paralysée, perçue comme étant inutile. La rhétorique compassionnelle indifférenciée et passive justifie ici l'absence d'action sociale et d'aide directe à autrui. Dans plusieurs cas, c'est un certain dédain reflétant un profond narcissisme affiché. Le samsara est présenté comme sans intérêt, ce qui s'y passe n'est donc pas digne que l'on n'y prête attention. Ainsi plusieurs témoignages confirment la loi du karma, mais cette fois-ci avec un certain mépris du samsara et de son caractère relatif comme pour Georges, pratiquant dans l'école Sakya depuis plus de 20 ans :
« Je ne dis pas que donner à bouffer à telle ou telle organisation charitable, militer pour je ne sais quels droits, aider les pauvres, ceux qui vont mourir, etc., je ne dis pas que c'est mauvais, je dis juste que c'est sans intérêt et je dirais même plus, ce n'est pas responsable. Et oui, les pauvres ont toujours existé et existeront toujours, les entretenir ne fait que les augmenter et les gens meurent et mourront toujours. C'est la vie. Le bouddhisme enseigne l'impermanence de toutes choses, nous ne serons pas toujours là et les choses n'existent que sur un plan relatif ; c'est très pragmatique. Personne ne peut aider personne. Chacun est à sa place, même si c'est une réalité brutale, c'est la réalité. » (Paris, 2005)
Mais ces trois réactions ne reflètent pas toutes celles que j'ai pu recueillir. D'autres fidèles s'investissent dans des associations à vocation humanitaire et sociale et se sentent pleinement concernés par l'aide à autrui. Plusieurs ont d'ailleurs une profession dans le monde médico-social et se servent de l'enseignement bouddhiste au quotidien dans leur travail. Parmi eux, plusieurs aident volontairement, sans oublier que leurs actions sont bénéfiques et donc, porteuses de mérites. Pascale (pratiquante Kagyû depuis 8 ans) qui aide plusieurs personnes au sein d'une association de jeunes défavorisés me dit clairement que « faire des actions positives, comme aider les autres, est générateur de mérites et c'est très important dans la pratique d'accomplir ce genre d'actions ». Même si son action d'entraide n'est pas seulement faite pour recevoir des mérites, accomplir des actions altruistes fait partie intégrante de sa pratique bouddhiste.
p. 333
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Les lamas travaillent avec des psychothérapeutes appartenant à des écoles diverses telles que la gestalt, le béhaviorisme, la psychanalyse, la psychosynthèse, etc. Ils utilisent également la Programmation Neurolinguistique. Un lama Kagyü me confia, sous forme de constat, à l'instar d'autres bouddhistes, que nombre de personnes qui fréquentent ou vivent dans les centres tibétains devraient au préalable consulter un thérapeute ou bien un psychiatre.
Si des maîtres se préoccupent de la santé mentale de leurs fidèles, d'autres s'engagent ou proposent des initiatives d'actions sociales, et de manière minoritaire, une démarche de « bouddhisme engagé ». L'emploi de cette expression provient du moine vietnamien Thich Nhat Hanh, en réaction à la guerre du Vietnam. Depuis, il s'est montré particulièrement actif dans l'action sociale, les œuvres caritatives et pacifistes. Le mouvement « bouddhisme engagé » qui se développe de manière plus confirmée dans les pays anglo-saxons qu'en France nous dit R. Liogier, s'inscrit dans un processus d'occidentalisation opposé à l'asiatisme (qu'il définit comme une « idéologie qui s'est surtout développée dans les années quatre-vingt tendant à affirmer une altérité radicale de l'Orient par rapport à l'Occident. Cet identitarisme se réfère à des « valeurs asiatiques » qui seraient fondamentalement non occidentalisables : extrême cohésion familiale, soumission à l'ordre cosmique et politique, communautarisme »). Avec une vision universaliste aux valeurs occidentales pour interpréter leur propre tradition asiatique, le mouvement du « bouddhisme engagé » se veut universaliste, exportable, caractérisé par des actions socialement engagées. Diverses organisations transnationales représentent ce mouvement comme l'INEB (International Network of Engaged Buddhists) regroupant plus d'une trentaine de pays, née à l'instigation de l'activiste thaï Sulak Sivaraksa. Parmi ses membres, le Dalaï-Lama et Thich Nhat Hanh. Cependant, ces actions n'ont pas ou peu d'impacts dans les centres français, les maîtres n'étant pas majoritairement portés à l'action sociale et caritative. Pour plusieurs en effet, ce n'est pas leur rôle.
p. 332
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Trungpa, dans “Jeu d'illusion, Vie et enseignement de Naropa”, insiste sur la notion d'apprentissage, en soulignant l'importance des trois yâna (véhicules) qui forme un processus graduel essentiel : « sinon ça ne veut rien dire : c'est faire de l'entraînement pour masos ». Dans “Pratique de la voie tibétaine”, il fustige les esprits simplistes qui se rendent aux initiations comme au supermarché pour recevoir ou acheter de la sagesse. J'ai rencontré une majorité de fidèles et de sympathisants qui ne font pas l'effort de suivre ce processus graduel ni d'étudier les textes classiques. Pourquoi le feraient-ils ? Chez les Kagyü, c'est la dévotion au maître qui prime et qui est mise en avant, l'intellect est un piège qui peut être un frein important à la compréhension du dharma. Seulement plusieurs maîtres sont là pour rappeler que cette dévotion ne peut faire l'économie d'une étude, d'une réflexion et d'une mise à l'épreuve de l'enseignement prodigué. Plusieurs ont bel et bien conscience d'une possible dilution de leur religion et s'inscrivent dans des discours normatifs visant à définir une ligne à adopter pour un pratiquant bouddhiste digne de ce nom. Il semble que les mélanges, le manque de cohérence des contenus et de la rigueur du discours, sont, comme le notait J-P. Sironneau à propos des Nouveaux Mouvements Religieux et des groupes qu'il qualifie de « formes inférieures de connaissance », sont actifs dans le développement du bouddhisme tibétain en France. Le temps nécessaire, la patience et le travail sont moins importants que les « besoins immédiats, affectifs et cognitifs de nos contemporains ».
p. 326
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Toutes ces pratiques rituelles témoignent, pour L. Obadia, « de l'appartenance religieuse et de l'adhésion de l'adepte à des modèles normatifs de conduite ». Effectivement, ces rituels, par leur répétition, ont pour objet d'engendrer des transformations internes chez la personne et participent de l'appartenance communautaire. Les codes et les règles à respecter à l'intérieur d'un centre, d'un temple par exemple (outre le fait de se déchausser) avec la prosternation obligatoire à trois reprises, lors d'un enseignement d'un maître ou devant des représentations du Bouddha, sont des gestes, des « valeurs faites corps » dont parle Bourdieu dans Le sens pratique, cité par B. Faure, valeurs qui permettent « d'inculquer toute une cosmologie, une éthique, une métaphysique, une politique, à travers des injonctions aussi insignifiantes que “tiens-toi droit”.
p. 323
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Tous ces rituels collectifs témoignent à la fois de l'appartenance à un sangha et à une lignée de transmission commune tout en scandant la vie communautaire, la religion étant, comme l'a bien noté Durkheim, une chose éminemment sociale, les rites soulignant l'aspect collectif.
Ayant assisté à plusieurs de ces rituels, il m'est apparu indispensable de noter la différence entre la pratique et le vécu tel que l'opère François Héran dans un article qui fait date, intitulé Le rite et la croyance. L'auteur insiste en effet sur le fait que les personnes qui effectuent leurs rites (ou récitant leurs formules) n'engagent pas forcément de leur personne. « Il n'est pas dit que cet investissement soit intellectuellement réfléchi et thématisé par la personne qui l'accomplit ». En effet, à plusieurs reprises, l'aspect solennel du rituel pouvait alterner par des moments de relâchement et de distractions de la part de certains officiants. Une personne se mouche ou éternue pendant le rituel de Chenrézi à Karma Ling, un jeune stagiaire-pratiquant distrait se trompe dans la mélodie qu'il doit jouer à la trompe entraînant des rires étouffés de la part de plusieurs de ses camarades à Dhagpo Kagyu Ling, d'autres regardent l'oumzé (le maître des rituels) afin de savoir à quel moment ils doivent se servir de leurs instruments. Des tensions, tout autant que des rires et des moments de concentration, voire de méditation intense, ponctuent un rituel. Comme l'écrit J-L. Jucker, il est « plutôt rare que ceux qui pratiquent un rituel parlent de cette activité » sans qu'une personne extérieure le leur demande et les discours qui en résultent se produisent en dehors du rituel et constituent souvent des « interprétations (partagées par les autres pratiquants ou personnelles). » Le caractère exotique des rituels tibétains, musicaux et colorés a séduit plusieurs fidèles alors qu'ils en ont repoussé d'autres.
p. 321
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II. VERS UN BOUDDHISME FRANÇAIS ?

La langue employée dans les rituels et pratiques — et les difficultés de traduction —influent sur les manières d'enseigner. Alors que certains parlent et enseignent en anglais (comme Lama Zopa Rinpoché), d'autres qui parlent l'anglais préfèrent enseigner en tibétain (Lama Jigméla, Shamarpa, etc.) alors que d'autres encore n'enseignent qu'en tibétain faute de parler une autre langue (Lama Teunsang) et ce n'est alors pas une affaire de choix. Le choix de la langue est important car c'est à travers cette dernière que vont être transmis les enseignements et ce choix est souvent stratégique. Plusieurs maîtres refusent par l'exemple l'anglais qu'ils maîtrisent parfaitement pour enseigner un texte tibétain et préfèrent avoir recours à un ou plusieurs traducteurs (quelque fois du tibétain à l'anglais puis de l'anglais au français) comme c'est le cas pour Shamarpa, Karmapa Thayé Dorjé, ou Dagpo Rinpoché, qui parle français mais qui enseigne en tibétain. Lors d'un enseignement du Shamarpa à Dhagpo Kagyu Ling en mai 2005 réunissant environ 400 personnes chacune des six journées, Trinlay Tulkou traduisait le Shamarpa du tibétain directement en français. Ce dernier, s'adressant à un large public, dispensait un enseignement à propos de la méditation basé sur un texte de Vimalamitra inclus dans le Tengyour, « l'intégration progressive de la méditation ». En insistant sur le fait que le bouddhisme s'est adapté dans chaque pays, qu'il n'est pas lié à la culture ni à un peuple mais que son essence est universelle, il reprenait Trinlay Tulkou à plusieurs reprises non satisfait de sa traduction, en s'exprimant plusieurs fois en anglais auprès de lui. Vers la fin de l'enseignement, il s'exprima d'ailleurs directement en anglais.
La transplantation de l'enseignement bouddhique tibétain en contexte français souffre de malentendus liés aux difficultés de traductibilité de la langue tibétaine. Le travail des interprètes (et traducteurs) est important mais ces derniers travaillent souvent de manière isolée sous l'autorité de leur maître, ce qui entraîne des traductions différentes.
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* Il faut relativiser cette assertion car Lama Teunsang a eu le choix d'apprendre le français et ne l'a pas fait, au regret de certains. Une disciple me fera une confidence à cet égard. Elle trouve anormal que son lama ne parle pas le français alors qu'il réside en France depuis presque 30 ans alors qu'il est obligatoire pour de nombreux étrangers souhaitant s'installer en France de prendre des cours de français ou de connaître la langue un minimum. C'est ce que l'État accepte et ce qu'il refuse à d'autres qui lui paraît inacceptable. Cette réflexion n'enlève rien à son respect et sa grande admiration pour son lama. Propos datant de 2006, Auvergne.
p. 320
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Il n'est pas rare de voir ce dernier participer au chantier, avec ses bottes et sa robe pleine de boue, ce qui tranche avec d'autres maîtres pour qui ce n'est pas le rôle d'un lama de participer à la construction et à la rénovation des bâtiments d'un centre, mais à la transmission du dharma. Si Lama Teunsang met « la main à la pâte », c'est aussi car il vit sur le centre à l'année, ce qui n'est pas le cas de tous les lamas. Alors que plusieurs vivent comme lui sur le site même de leur centre (feu Guendune Rinpoché, Lama Tenzin Samphel, une grande partie des lamas occidentaux de Dhagpo, etc.) certains ont des habitations privées parfois loin du centre, à l'étranger pour des maîtres dont la résidence principale n'est pas la France.
Par ailleurs, certains jouissent d'une richesse considérable, ont des goûts luxueux, tant au niveau de leur tenue vestimentaire que pour des biens matériels autres, comme un véhicule. Alors que l'on peut en croiser certains dans des 4x4 modernes ou en Mercedes, avec une tenue toujours impeccablement soignée et distinguée, d'autres préfèrent des voitures fonctionnelles et des tenues simples. Tous les lamas sont loin d'être des contemplatifs s'exerçant continuellement à des pratiques tantriques. Parmi tous les maîtres que j'ai pu rencontrer, beaucoup étaient équipés d'un téléphone cellulaire, souvent des derniers outils technologiques à la mode (lecteur Dvd, Divix, portable avec connexion WI-FI, baladeur Mp3, appareil photo numérique, caméra, etc.). Un lama français me dira au sujet d'un lama bhoutanais avec qui il a administré un centre et avec qui il ne s'entendait pas, qu'il était « fier d'être le premier lama en France à porter des chaussures Gucci ». Ce lama tibétain, toujours très élégant, porte des vêtements somptueux, et, comme il aime les belles voitures, il en change souvent13. En discutant de manière informelle avec plusieurs lamas sur des questions relatives à la possession de matériel et de diverses richesses, qui peuvent supposer que les maîtres sont aussi des consommateurs et que même s'ils enseignent le détachement, ceci n'implique pas le rejet strict du matériel ; l'important, me dira deux d'entre-deux, « c'est de ne pas y être attaché ». Les maîtres et autres pratiquants assidus ne sont pas tous concernés par le bouddhisme canonique (nibbanique, selon Spiro) mais aussi par le bouddhisme kammatique. Les distinctions s'opérant au niveau du « capital économique » sont également présentes dans les manières d'être. Tandis que certains maîtres boivent de l'alcool, mangent de la viande, et sont, ce que l'on peut qualifier de « bons vivants », aimant plaisanter et communiquer (qu'ils soient moines ou laïcs), d'autres sont strictement végétariens, prohibent l'alcool et la cigarette et n'apprécient pas particulièrement la vie sociale. Il existe parfois d'énormes dissemblances entre maîtres, qui dépendent ou non de la même lignée, ce qui explique pourquoi un fidèle bouddhiste peut apprécier un maître et en détester un autre. Par exemple, Tulkou Péma Wangyal et Sogyal Rinpoché, même s'ils sont tous les deux Nyingma sont profondément différents, tant dans leur style propre que dans la manière dont ils diffusent le dharma. Le premier s'expose peu et son organisation est particulièrement discrète, voire fermée et élitiste* alors que le second est exposé, poursuit des projets colossaux (comme le temple Lérab Ling) et détient une organisation qui touche un large public bénéficiant d'une visibilité accrue. Selon la stratégie de diffusion du dharma qu'ils adoptent, leur personnalité, leur sens de la pédagogie et de la communication, les maîtres se singularisent. Il existe, tout comme au Tibet avant 1959 des types de maîtres différents. Par contre, on remarque que nombre de maîtres tibétains qui étaient moines sont devenus laïcs en s'installant en France. Paradoxalement, chez les Kagyü, notamment du Dhagpo Mandala, la majorité des lamas européens sont des moines**.
Plusieurs observateurs emploient l'expression de « bouddhisme français » après avoir longtemps employé celle de « bouddhisme occidental », comme le font plusieurs sympathisants, pratiquants assidus ou bien des maîtres, notamment occidentaux.
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*Ce qui d'ailleurs lui est reproché par plusieurs bouddhistes. L'une elle, 61 ans, fidèle Kagyü depuis 1981. me fera cette remarque : « C'est très sélect et l'argent est un critère de sélection ». Entrevue personnelle, Paris, 2006.
** Ceci est en cours de modification, le monastère traversant des bouleversements. Plusieurs lamas-moines ont en effet rendus leurs vœux et certains ont quitté le monastère.
p. 315
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Les maîtres, par leurs attitudes, leurs enseignements, leurs personnalités, leur charisme, attirent des styles différents de disciples. Par exemple, plusieurs disciples de Lama Guendune, mais aussi de Pawo Rinpoché, de Nyoshul Khen Rinpoché (des maîtres relativement discrets, traditionalistes, peu exposés), « détestent », selon leurs propres termes, un maître comme Sogyal Rinpoché ou Lama Denys.

p. 313
Les fidèles qui se targuent de déclarer que « tout est dans l'enseignement du maître » et qui minimise l'importance de la relation directe (vivante) avec le maître ne sont pas tous aussi émancipés du maître.

Plusieurs fidèles ont ainsi tendance à user des formules « Lama a dit que » ou « Lama m'a dit que » alors que ce dernier n'a jamais rien signifié, ce qui engendre des conflits dans le groupe. Les malentendus témoignent à la fois d'un manque de communication et de compréhension entre le maître, les traducteurs et certains disciples et en même temps, de la communication entre les membres de la communauté même. Les prises de pouvoir, les jalousies et les tensions qui naissent de la vie communautaire et d'un rapport avec le maître à chaque fois inégal engendrent des difficultés aux répercussions sociales (notamment des départs). Les problèmes de traductibilité des propos du maître sont conséquents. Natacha, une résidente temporaire, me dira que les traducteurs ont un réel pouvoir (influence) et que des cours de tibétain auraient dû être dispensés il y a des années déjà mais qu'ils ont été annulés à l'initiative de l'un des traducteurs qui y voyait là, selon elle, « une perte de pouvoir ». « Si les gens sont capables de parler un minimum et de comprendre le tibétain, plus besoin du traducteur pour les entrevues personnelles avec Lama Teunsang, et donc, celui-ci perd de son aura ». Lama Teunsang comprend tout de même quelques mots de français ; lors de mon entretien avec lui dans sa chambre à Montchardon, il reprit plusieurs fois le traducteur sur un terme que ce dernier ne saisissait pas et avait mal traduit. Pendant quelques minutes, il s'aidait, à l'aide d'objets, afin que le traducteur prononce le bon terme.
p. 314
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