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Critique de Lamifranz



Il faut lire la « Préface à l'édition américaine de Caligula and three others plays ». Avec lucidité et honnêteté, l'auteur explique ce qu'il a voulu faire, et pourquoi, malgré le magnifique travail accompli, (écriture, mise en scène, interprétation, décors et musique), ni le public, ni la critique n'ont suivi :
« L'Etat de siège, lors de sa création à Paris [27 octobre 1948] a obtenu sans effort l'unanimité de la critique » Camus sous-entend, bien sûr « contre lui ». « Ce résultat est d'autant plus regrettable que je n'ai jamais cessé de considérer que l'Etat de siège, avec tous ses défauts, est peut-être celui de mes écrits qui me ressemble le plus ».
Pourtant, les planètes étaient alignées : Camus à l'écriture, Jean-Louis Barrault à la mise en scène, la Compagnie Renaud-Barrault à l'interprétation (avec Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Pierre Brasseur, Maria Casarès, Pierre Bertin…), Balthus aux décors et aux costumes, Arthur Honegger à la musique…
Le sujet est ardu et profond : il s'agit de la dénonciation des régimes autoritaires et de leur mise en place par la manipulation, la propagande et l'usage de la force, face à la soumission, la passivité et la faiblesse des populations opprimées. En parallèle, c'est aussi la justification de la révolte au nom de la liberté.
Le problème de cet insuccès dans les salles parisiennes vient peut-être à la fois de la forme et du fond : Roger Quillot résume assez bien le propos : « Barrault attendait du Camus lyrique, celui de « Caligula » et de « Noces », qu'il répondît à sa conception dionysiaque du spectacle. … C'est plutôt l'auteur ironique de « La Peste », l'éditorialiste de « Combat » qui rédigea la pièce… Sur le canevas élaboré par Barrault, les deux hommes, respectant l'un et l'autre le partenaire, montèrent un spectacle tantôt lyrique et surchauffé, comme le désirait Barrault, tantôt aristophanesque, proche de la revue ou de la bouffonnerie absurde, comme le voulait Camus. Cette hésitation fut cause sans doute que la pièce manque d'unité et fut accueillie froidement ».
Bien que l'un des personnages soit appelé « La Peste » (il personnifie la dictature), la pièce n'a rien à voir avec le roman. Même si l'action se déroule dans une ville au bord de la mer, confinée (terme à la mode) par des mesures arbitraires dictées par la maladie (dans le roman) ou l'autorité politique (dans la pièce), le sujet est tout autre : ici la dictature imposée par la peur trouve ses limites dans la révolte de ceux qui font taire cette peur au nom de la liberté.
On notera également que « L'Etat de siège » n'est pas une pièce de théâtre traditionnelle : elle porte en sous-titre « Spectacle en trois parties ». Camus, dans la même « Préface à l'édition américaine de Caligula and three others plays », apporte quelques précisions : « On pourrait la rapprocher de ce qu'on appelait dans notre Moyen-Age, les « moralités » et en Espagne les « autos sacramentales »…. J'ai centré mon spectacle autour de ce qui me paraît être la seule religion vivante, au siècle des tyrans et des esclaves, je veux dire la liberté… »
Ce parti-pris humaniste, et même libertaire, a été applaudi dans quelques pays (notamment en Allemagne où elle a été jouée sans interruption) mais curieusement boudé dans d'autres : en Espagne, ou derrière le Rideau de fer, la pièce, allez savoir pourquoi, n'a pas reçu l'assentiment des autorités. Etonnant, non ?
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