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Critique de antiphon77


"Loin" pourra constituer une lecture d'introduction au Renaud Camus des années 2000. Publié en 2009, ce roman, contemporain de l' "Abécédaire de l'In-nocence" (parti politique de Renaud Camus) et des "Demeures de l'esprit" (notamment les tomes I et III consacrés à la Grande-Bretagne - théâtre du dénouement de ce roman) reprend l'ensemble des thèmes de prédilection de l'auteur.

Comment peut survivre un esthète en hyper-démocratie? Cela pourrait être la question lancinante de Renaud Camus, dans un monde où la musique n'en est plus, pas plus que la religiosité, l'aristocratie, les relations humaines, la sexualité, la géographie des lieux. Dès lors, le personnage ne peut qu'essayer de s'éloigner : des êtres, de la France, du langage même. A ce titre, on est intrigué par les longues conversations opposant le protagoniste Jean à la jeune fille rencontrée fortuitement, Ono, laquelle, par ses réactions et son "langage parlé djeuns", est une incarnation de cet espace-temps rattrapant sans cesse le narrateur, et dont il cherche vaille que vaille à s'éloigner, quelquefois contre lui-même. On pense et on compare forcément au "style parlé" de Céline lorsque Renaud Camus introduit le refus du moindre style de la jeune fille, au motif d'une vague démocratie, par de longues conversations au style SMS, aux phrases amputées et à l'orthographe défigurée, jusqu'à la nausée. On est frappé que toute l'action ne puisse se raconter que dans cet anti-langage sans colonne vertébrale, comme si la langue française, celle dans laquelle excelle Renaud Camus, ne puisse s'utiliser que (?) pour décrire la contemplation, l'immuable, la nostalgie d'un passé dont, par le biais du personnage Jacques, Camus admet lui-même le caractère reconstruit.

La réalité, voilà ce qui semble pour Camus la vulgarité, et, à ce titre, la femme (assimilée aux classes dites laborieuses, complices de la destruction du monde) ne peut y être étrangère. L'auteur de Tricks n'est tout de même jamais loin : Jean se délestera d'Ono en visitant un lieu de villégiature de Wordsworth, avant de fuir seul vers le Nord et ses grands lacs en quête d'une vie de solitude, de confort modeste, de longues ballades et de livres commandés sur Internet. "N'attendre rien. Rabattre tout futur, en permanence, sur le moment présent. Habiter l'instant. Être là, très là. D'autant plus vivant qu'à demi-mort, déjà."
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