Citations sur Mon opium est dans mon coeur (11)
Je n’aurai pour compter
Que mes dix doigts
Mais on ne compte pas les boutons de rose
Ni les perles de rosée
Ni le sable des plages.
D’ailleurs, d’ici que j’arrive,
J’aurai désappris à compter
Mais appris tant d’autres choses
Et l’horizon tremblant,
Un fil de fer que les mouettes font vibrer
Quand elles le frôlent de leurs ailes,
Un fil de fer où la brume se suspend comme un linge mouillé,
Une frontière, une fenêtre sur le ciel et la mer.
Cette rêverie me fait mal.
Je rêve,
Mon opium est dans mon cœur,
Je rêve,
Le bonheur vient et s’efface…
Toi qui me cries sois heureuse,
Mon cœur qui ne peut pas l’être,
Printemps, tu as perdu la partie,
Je suis un éternel automne.
Prête-moi ta plume, vent de l’aventure,
Ta plume qui trempe dans l’eau des torrents,
Prête-moi ta plume pour graver ton nom
Sur tous les bétons des villes sans arbres,
Sur tous les goudrons des routes sans âme.
Prête-moi ta plume, vent de l’aventure,
Avant que torrent ne soit plus qu’égout,
Avant que la terre ne soit que poussière.
Certains se lèvent tôt pour aller au bureau,
À l’usine, à l’école ou bien sur un chantier.
Toi qui n’as jamais sué à l’ombre d’un métier
Tu te lèves pourtant à l’heure du travail
Car le premier rayon est l’aube d’un tableau
Qui ne te laissera jamais plus en repos.
Tu affûtes tes pinceaux sur les pierres des songes,
Tes univers s’enroulent aux crinières des rêves,
Mais que c’est dur parfois d’être trop à l’avance
Ou d’être demeuré au plus pur de l’enfance !
Le vent au bout des doigts,
Ne me dis surtout rien de mes errances folles
Au fond des noirs placards où moisit mon enfance ;
Ne me rappelle pas le lit,
Mouvant tombeau où mes cauchemars,
Comme des fourmis rouges,
Acéraient le couteau de la réalité,
Mais tends-moi tes deux mains comme deux jonques fraîches
Et je naviguerai au vent de mon enfance.
Vienne est toujours la même :
Elle attend la saison
Où fleurissent les bals au profond des palais,
Elle attend la musique d’un Brahms ou d’un Schubert,
Les joyeuses rumeurs d’une valse où s’enlisent
Les dernières langueurs d’une Lettre à Elise.
L’hiver
C’est un Noël sans père Noël
Une semaine sans dimanche
C’est un jeudi sans cinéma
C’est quand le monde chante et rit
Et qu’il ne vous regarde pas
C’est une route solitaire
Où le cœur gèle à pierre fendre
C’est un chemin d’indifférence
C’est un chien perdu qui attend
La porte ouverte d’un ami
Des pas qui errent dans la neige
Et qui ne se rejoignent pas.
Dans les chemins brûlants du quatorzième été.
Je déchirais mes chemisiers à des églantiers de passage
Mais quand je me penchais au-dessus des ruisseaux,
Ce n’était pas de l’eau, je buvais mon image
Et derrière les bleus et les égratignures
Je découvrais des plages et des îles inconnues
Et je ne savais plus où était l’Amérique :
Au bout de l’horizon ou au fond du miroir.
Prête-moi ta plume, vent des hautes mers,
Ta plume de sel à l’encre d’écume,
Prête-moi ta plume pour écrire un mot
Un mot à Pierrot là-haut dans la lune
Et à ses vaisseaux enfouis dans la dune.
Prête-moi ta plume, vent des hautes mers,
Avant que la vague ne soit plus qu’épave,
Avant que la mer ne soit que de l’encre.