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Critique de SZRAMOWO


Livre facile, disent certains, mais troublant, répond le choeur des chroniqueurs avisés, le collier de mouches d'Elias Canetti a le mérite de pouvoir être lu sans prêter attention à l'ordre des pages.
Un des rares livres, peut être, à pouvoir être ouvert au hasard pour y puiser une de ces maximes dont seul Elias Canetti a le secret et repartir dans la vie avec un tombereau de questions et de pensées enfouies que ce diable d'hommes a pu vous révéler alors que vous en ignoriez l'existence.
Les exemples ne manquent pas :
«216 000 mots par jour.»
«Comme tout parait convaincant à qui ne connait pas grand chose.»
«Une photo, une photo quelconque peut amplifier jusqu'à la folie l'amour pour un être qu'on a constamment autour de soi.»
«Le poète vit d'exagérations et se fait connaitre par des malentendus.»
«Beaucoup de philosophes sont la mort du poète.»
«Il est si avisé qu'il ne voit de toute façon que ce qui se passe derrière son dos.»
Maximes intrigantes, imbriquées, intriquées, à tel point que l'on se surprend à les lire à l'endroit et à l'envers, à vouloir en saisir un sens qu'elles n'ont pas, en un mot à réfléchir à ce que l'auteur a voulu nous dire, peut-être rien après tout.
On se surprend à répondre à voix haute à l'auteur, et à regretter qu'il soit mort pour éviter de nous répondre, si je lis page 35 :
«Les êtres qu'on connait depuis trop longtemps étranglent les personnages que l'on voudrait inventer.»
Je lui demande aussitôt :
«Les personnages que l'on voudrait inventer étranglent-ils les êtres que l'on connait depuis trop longtemps ?»
De même à la page 37 :
«On se cramponne à soi même jusqu'à en perdre tous points cardinaux.», résonne étrangement avec :
«On se cramponne aux points cardinaux jusqu'à se perdre soi-même.»
Page 49 :
«Laisse tomber ces fastidieux ennemis réels : invente-t'en plutôt d'imaginaires.»
et «Laisse tomber ces ennemis imaginaires et invente-t'en plutôt de réels.»
L'exercice est infini et nous conduit à suivre le chemin de la réflexion d'Elias Canetti sur la réalité et la perception de la réalité, sur nos rêves et notre réalité, sur la réalité de nos rêves.
«Il y a quelque chose d'attristant dans la vérité nue, mais je ne suis pas tailleur et plutôt que de chercher à la revêtir, je préfère rester triste.»
Au milieu de cette mer de petites phrases, des coraux acérées, surgissent de façon inattendue des masses de mots qui forment une histoire, comme si s'étaient agglomérés, au fur et à mesure de leur écriture, les aphorismes et les axiomes, les dictons et les devises pour passer à un stade composite impliquant une autre personne que le je ou le il.
Le rêve, page 54 :
Le narrateur et une femme, M., qui lui a raconté un rêve, autrefois, en 1942 ou 1943.
Nietzsche, Page 59 :
Les attaques de Nietzsche sont comme une vapeur toxique.
Wheen, bibliothécaire au Victoria and Albert Museum, page 68 :
La première humiliation qu'il a subie dans son enfance.
L'Electre de Sophocle, page 79 :
L'intrépidité d'Electre face à la mort et cette fascination qu'elle exerce sur les autres.

A un rythme tantôt lent, tantôt rapide, se succèdent, maximes, aphorismes, dictons, mots, pensées, paroles, préceptes, proverbes, sentences, et récits courts et référencés ; sans que jamais l'ennui ne nous prenne.
Pour paraphraser Canetti à la page 115 :
«Jules Renard dans son journal m'a rendu une chose que j'avais longtemps perdu : l'ingénuité des Français.»
Je conclurai en disant :
«Elias Canetti dans son collier de mouches m'a rendu une chose que j'avais longtemps perdu : l'art de penser par soi-même.»
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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