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Critique de Fandol


Nous avons trop vite oublié le rôle de la France en Afrique, même si, de temps à autre, l'actualité rafraîchit quelques souvenirs pas toujours glorieux.
Alors, en lisant Frakas, ce polar signé par l'excellent Thomas Cantaloube, j'ai été plongé au début des années 1960, au moment où notre pays perd peu à peu toutes ses colonies sans renoncer à les exploiter.
Franchement, en lisant Frakas, à de nombreuses reprises, je n'ai pas été fier d'être Français. L'action des services secrets, le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), les coups de main du SAC (Service d'action civique), le rôle de ces hommes politiques de premier plan comme Pierre Messmer, François Mitterrand, Gaston Deferre et surtout de celui qui tirait toutes les ficelles, dans l'ombre, Jacques Foccart, secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches sous De Gaulle et Pompidou, ont de quoi nous faire rougir de honte.
Au travers de l'histoire qu'il conte avec moult rebondissements, Thomas Cantaloube ne mâche pas ses mots. La plupart de ses personnages sont inventés, leurs aventures aussi mais l'histoire du Cameroun et de ses relations avec la France, bien réelles.
Tout débute le 15 octobre 1960, à Genève, où Félix Moumié, Président de l'UPC (Union des populations du Cameroun), est assassiné. Près de deux ans plus tard, le 17 mai 1962, voici un des principaux personnages de l'histoire : Luc Blanchard, journaliste à France Observateur.
Cet ancien flic, pour ne plus obéir aux ordres de Maurice Papon, a démissionné de la police criminelle. Son domaine concerne les anciennes colonies, Algérie, Maroc, Afrique noire. Son rédac' chef lui demande alors d'enquêter sur une organisation assez obscure : La Main rouge.
Autre personnage important, Antoine Lucchesi, navigue en Méditerranée avec Alphonse Mukenga qui est aussi commis de cuisine dans le restaurant de Maria, la compagne de Lucchesi. Ce dernier gagne bien sa vie en convoyant de la morphine-base pour les labos marseillais qui transforment cela en héroïne à destination du marché étasunien. Marseille, la pègre, Mémé Guérini et Gaston Deferre, ce n'est pas beau du tout ! Antoine que l'auteur appelle souvent « le truand », tient un cahier de comptes pour la mafia locale, cahier qu'il cache dans une valise.
Subitement, Alphonse Mukenga, sympathisant de l'UPC, part pour le Cameroun, son pays d'origine, pour s'occuper d'un oncle bien malade. Alors qu'Antoine est absent, Maria croit bien faire en prêtant une valise à son commis, sans savoir qu'elle contient le fameux cahier.
En quelques semaines, au cours de cet été 1962, l'action s'emballe, m'emmène à Yaoundé sur les traces d'Antoine qui veut récupérer son fameux cahier pour sauver sa petite famille menacée par un caïd de la drogue.
En même temps, pour étoffer son enquête, Luc Blanchard, en bute aux intimidations et agressions d'un membre du SDECE, part là-bas aussi. Alors que le Cameroun est soi-disant indépendant, l'appétit de quelques industriels français pour les richesses du pays ne s'est pas éteint. Ils sont soutenus par des politiciens véreux qui savent bien camoufler leur trafic d'influences sous les dorures de notre ambassade.
Si les dirigeants camerounais collaborent, les maquisards de l'UPC ne désarment pas et luttent pour une véritable indépendance de leur pays. Au cours des aventures de Luc, Antoine, Alphonse mais aussi Lucille, délicieuse métisse qui tient un hôtel-restaurant à Yaoundé, je découvre les arrestations arbitraires, la torture, les massacres de paysans et même un village rasé au napalm !
À tout cela, s'ajoute un racisme puant, un sentiment de supériorité révoltant de tous ces Blancs qui tentent de profiter au maximum du pays et de ses habitants. Heureusement, Thomas Cantaloube fait évoluer Célestin, attachant chauffeur de taxi en 2 CV, efficace et très dévoué.
Luc enquête, découvre une réalité scandaleuse mais court de grands risques. Arrive enfin un certain Sirius Volkstrom, sorte de militaire d'occasion, dont l'efficacité est salutaire. Mais, attention, je n'en dis pas plus… J'ai essayé de survoler l'action de ce thriller mais pas en hélicoptère ; seuls les lecteurs de Frakas comprendront…
Après m'être régalé avec le second polar de Thomas Cantaloube, il me reste à lire Requiem pour une République, paru déjà dans la Série noire de Gallimard et plusieurs fois primé.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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