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Critique de Nastasia-B


La question sans cesse se pose, avec les grands hommes, de savoir s'ils sont L'Exception ou au contraire, la suprême représentation d'une Tendance. Dans le premier cas il faut les imaginer tels de gigantesques acacias au milieu des platitudes arides de la savane. Dans le second, il convient de les percevoir comme n'ayant rien d'exceptionnel mais simplement comme d'éminents représentants enchâssés dans les volumes d'une forêt épaisse.

Force est de constater que souvent l'histoire a la mémoire courte et que, de la lame injuste de son amnésie, elle a l'habitude de tronçonner tous les congénères qui croissaient auprès des grands chênes majestueux. Tant et si bien que, des années plus tard, l'imaginaire populaire perçoit tous ces grands chênes, survivants du déboisement de l'oubli, comme des acacias dans une savane.

Il en est ainsi de Shakespeare qui trône bien seul dans le pourtant foisonnant théâtre élisabéthain, mais également de Darwin dans la mouvance des évolutionnistes d'alors, ou même, dans un tout autre registre, de Jésus parmi les multiples clivages du judaïsme de son époque. C'est comme ça, l'histoire oublie les seconds, sauf Raymond Poulidor.

Si l'on en vient à parler du conte en tant que genre littéraire, c'est-à-dire bien après les origines mêmes du conte, forme orale par excellence, et dans la tendance qui a consisté à en proposer une forme écrite, on est bien obligé de reconnaître que Charles Perrault n'a rien d'un initiateur. On peut sûrement même défendre qu'il est un suiveur tardif qui s'est adonné, de plus ou moins mauvaise grâce, à un effet de mode qui faisait fleurir et s'épanouir ce genre littéraire au XVIIème siècle.

Pourtant, de nos jours, aussi loin qu'on se souvienne, aux origines du conte, il y a CE conte. Cet éternel Petit Poucet, l'archétype du conte avec tous les ingrédients d'une recette savoureuse : un opprimé, sorte de personnage récurrent qui campe le petit malheureux, qui cumule sur ses maigres épaules le poids de lourdes injustices, il y a le parent impitoyable, chez Perrault se sera vraisemblablement un homme, chez les frères Grimm une marâtre, il y a la forêt effrayante et le cortège de fantasmes terrifiants qui l'accompagne, notamment la possibilité de tomber nez à nez avec un loup (dans la tradition orientale, il s'agit presque toujours d'un tigre) ou des brigands, il y a le personnage imaginaire et ses pouvoirs magiques comme ici l'ogre, mais qui peut également être une fée ou une sorcière et enfin, il y a l'accessoire décisif, ici, les bottes de sept lieues.

Quand on fait, comme je viens de le faire, le compte des ingrédients constitutifs de ce conte, l'on ne s'étonne plus qu'il fasse figure de référence, de point origine des abscisses et des ordonnées du repère où évoluera désormais ce genre littéraire bien particulier.

Pourtant, l'on a tort de croire que le conte doive se résumer à cela, à une version plutôt enfantine ou au merveilleux. C'est d'ailleurs ce que Maupassant a bien compris en exploitant ce filon. Si l'on considère attentivement une histoire comme Madame Baptiste, est-ce si différent d'un conte de Perrault ? Là aussi tous les ingrédients sont réunis, mais on s'y laisse prendre car l'auteur a rendu floue la frontière entre conte et nouvelle et, surtout, il ne s'adresse pas à des enfants.

Il en est de même pour les contes philosophiques, qui s'inscrivent pleinement dans la tradition de Charles Perrault, mais qui, eux, mettent davantage l'accent sur la double lecture et la moralité, qui est pourtant l'un des grands talents de Perrault, notamment quand on le compare à la sombre balourdise des versions que les frères Grimm ont proposées de ses contes, dépouillés de la finesse et de l'ambiguïté d'interprétation qui en faisait le charme.

Je ne vous apprends rien probablement en précisant que ce conte, l'un des plus connus de Charles Perrault, est le géniteur direct de l'un des plus connus de Jacob et Wilhelm Grimm, à savoir, Hansel et Gretel. Vous ne serez probablement pas surpris non plus d'apprendre que ma préférence va à celui-ci plutôt qu'à sa doublure, et ce sans chauvinisme aucun.

En outre, souvenez-vous. Qu'est-ce que tout ça ? Une suite de petits cailloux blancs qui ne mènent qu'à mon avis, c'est-à-dire, point grand-chose.
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