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Citations sur Le Tao de la physique (32)

La base de l'enseignement spirituel de Krishna, comme de tout l'hindouisme, est l'idée que, dans leur multitude, les phénomènes autour de nous ne sont que les diverses manifestations de la même réalité ultime. Cette réalité, nommée Brahman, est l'idée unificatrice qui donne à l'hindouisme son caractère essentiellement moniste en dépit du culte des nombreux dieux et déesses.

Brahman, l'ultime réalité, est entendu comme l'« âme » ou « essence intérieure » de toutes choses. Il est infini et par-delà tous concepts ; il ne peut être compris par l'intelligence, ni décrit de façon adéquate par les mots : Brahman, sans commencement, suprême : par-delà ce qui est et par-delà ce qui n'est pas. Incompréhensible est cette âme suprême, illimitée, non née, qu'on ne peut rationaliser, impensable. Cependant, les gens veulent parler de cette réalité et les sages indiens, avec leur penchant caractéristique pour le mythe, ont représenté Brahman comme divin et parlé de lui en langage mythologique. Les divers aspects de la divinité ont donné les noms des divers dieux adorés par les hindous, mais les Écritures précisent que tous ces dieux ne sont que les reflets d'une unique réalité ultime :

Les gens disent : « Adore ce dieu-ci ! Adore ce dieu-là ! l'un après l'autre. En vérité, ceci est la création de Brahman ! Et il est, lui-même, tous les dieux. »

La manifestation de Brahman dans l'âme humaine est nommée atman, et l'idée qu'atman et Brahman, la réalité individuelle et la réalité ultime, ne font qu'un est l'essence des Upanishad :

Ce qui est la plus subtile essence, ce monde-ci tout entier, a cela pour âme, c'est la réalité. Cela est atman. Cela est toi.

Un thème de base revient souvent dans la mythologie hindoue : c'est la création du monde par le sacrifice de Dieu — « sacrifice » au sens originel d'« acte sacré » — par lequel Dieu devient le monde qui, à la fin, redevient Dieu. Cette activité créatrice de la divinité est nommée lila, le jeu de Dieu, et le monde est perçu comme la scène du jeu divin. Comme la majeure partie de la mythologie indienne, le mythe de lila a une forte saveur magique. Brahman est le grand magicien se transformant lui-même en monde et il accomplit cet exploit avec son pouvoir magique de création, qui est la signification originelle de maya dans le Rig-Veda. Le mot maya — l'un des termes essentiels de la philosophie indienne — a changé de sens au cours des siècles. Du pouvoir ou de la puissance de l'acteur divin et du magicien, il en est venu à signifier l'état psychologique de quiconque est sous le charme du jeu magique. Aussi longtemps que nous confondons les myriades de formes du divin lila avec la réalité, sans percevoir l'unité de Brahman sous-jacente à toutes ces formes, nous sommes sous le charme de maya. (pp. 89-90)
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La physique moderne a confirmé de façon spectaculaire l'une des idées de base de la spiritualité extrême-orientale : tous les concepts que nous employons pour décrire la nature sont limités, ce ne sont pas des caractéristiques de la réalité comme nous avons tendance à le croire, mais des créations de l'esprit, parties de la carte et non du territoire. Toutes les fois que nous élargissons le domaine de notre expérience, les limitations de notre pensée rationnelle deviennent évidentes et nous devons modifier, voire abandonner, certaines de nos conceptions. [..]
On dit que la porte de l'Académie de Platon à Athènes portait l'inscription : "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre."[...]
Selon les mots d'Henri Margenau : "La révélation centrale de la théorie de la relativité est que la géométrie est une construction de l'esprit. C'est seulement lorsqu'on accepte cette découverte que l'esprit peut se sentir libre de toucher aux sacro-saintes notions d'espace et de temps, pour étudier le champ des possibilités dont il dispose pour les définir et choisir la formulation qui s'accorde à l'observation."
[...]
Les commentaires de Joseph Needham sur l'astronomie chinoise sont à cet égard très intéressants : "Les astronomes chinois n'éprouvaient pas le besoin de recourir à des formes géométriques. Les organismes composant l'organisme universel suivaient le Tao, chacun conformément à sa propre nature, et leurs mouvements pouvaient être étudiés sous la forme essentiellement "non représentative" de l'algèbre. Les Chinois étaient donc exempts de cette obsession des astronomes européens, du cercle comme la plus parfaite figure, et ne firent pas l'expérience du carcan médiéval des sphères cristallines."
extraits des pages 165-168.
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...la théorie quantique révèle ainsi l'unicité de l'univers. Elle montre que nous ne pouvons décomposer le monde en ses plus petites unités existantes. Lorsque nous explorons la matière, la nature ne nous montre aucune « première pierre » mais apparaît plutôt comme un réseau serré de relations complexes entre les diverses parties d'un tout. Ces relations impliquent toujours l'observateur d'une façon essentielle. L'observateur humain constitue le dernier maillon dans la chaîne des processus d'observation et les propriétés de n'importe quel objet atomique ne peuvent être comprises qu'en termes d'interaction de l'objet et de l'observateur. Cela signifie que l'idéal classique d'une description objective de la nature n'est plus valide. Le dualisme cartésien du sujet et du monde, de l'observateur et de ce qui est observé, ne peut plus être utilisé lorsqu'on traite de la matière atomique. En physique atomique, nous ne pouvons jamais parler de la nature sans, simultanément, parler de nous-mêmes. (pp. 70-71)
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La plus importante caractéristique de la conception orientale du monde — on pourrait presque dire son essence — est la conscience de l'unité et de l'interaction de toutes choses et de tous événements, l'expérience de tous les phénomènes du monde comme autant de manifestations d'une unité primordiale. Tous les phénomènes sont conçus comme solidaires et inséparables dans cet ensemble cosmique ; en tant que manifestations différentes de la même réalité ultime, indivisible, qui est en toute chose, et dont toute chose est partie. Cette réalité est nommée Brahman dans l'hindouisme, Dharmakaya dans le bouddhisme, Tao dans le taoïsme. Parce qu'elle transcende tous les concepts et les catégories, les bouddhistes l'appellent aussi Tathata, ou « réalité telle qu'elle est » :

Ce que l'âme désigne comme réalité telle qu'elle est, c'est l'unité de toutes choses, le Grand Tout.

Dans la vie ordinaire, nous ne sommes pas conscients de cette unité de toutes les choses, mais divisons le monde en objets et événements distincts. Cette division est, bien sûr, utile et nécessaire pour faire face à notre environnement quotidien, mais ce n'est pas une caractéristique fondamentale de la réalité. C'est une abstraction forgée par notre jugement discriminatoire et catégorisant. C'est une illusion de croire que nos concepts abstraits de « choses » et d'« événements » séparés sont des réalités de la nature. Les hindous et les bouddhistes nous disent que cette illusion repose sur Vavidya ou ignorance, qu'engendre un esprit sous le charme de maya. Le but principal des traditions spirituelles orientales est par conséquent de réformer l'esprit par la concentration et l'apaisement de la méditation. Le terme sanskrit pour méditation, samadhi, signifie littéralement « équilibre mental ». Il désigne l'état de tranquillité et de calme de l'esprit, qui permet l'expérience de l'unité fondamentale de l'univers : Dans le samadhi de pureté, on obtient la clairvoyance permettant de devenir conscient de l'unité absolue de l'univers.

L'unité fondamentale de l'univers n'est pas seulement la caractéristique centrale de l'expérience mystique, elle est aussi l'une des révélations les plus importantes de la physique moderne. Elle devient manifeste au niveau atomique et se confirme lorsqu'on pénètre plus profondément la matière, jusqu'au domaine des particules subatomiques. L'unité de toutes les choses et de tous les éléments sera un thème récurrent tout au long de notre comparaison de la physique moderne et de la philosophie orientale. En étudiant les différents schémas de la physique subatomique, nous verrons qu'ils ne cessent d'exprimer, de différentes manières, la même intuition : les composantes de la matière et les phénomènes élémentaires les mettant en jeu sont interdépendants, ils ne peuvent être compris comme des entités isolées, mais seulement comme les parties intégrantes d'un tout. (pp. 133-134)
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Ce qui est vrai des longueurs l’est également des intervalles de temps. Eux aussi dépendent du système de référence mais, contrairement aux distances spatiales, ils deviennent plus longs lorsque la vitesse relative à l’observateur augmente. Cela veut dire que des aiguilles de montres en mouvement tournent plus lentement, le temps ralentit. Ces horloges peuvent être de types variés : pendules mécaniques, électroniques, ou le battement d’un coeur humain. Si de deux jumeaux l’un effectuait un rapide aller et retour dans l’espace, il serait plus jeune que son frère lorsqu’il reviendrait, parce que tous ses « mécanismes » (organiques), son rythme cardiaque, son flux sanguin, ses ondes cérébrales, etc. auraient ralenti durant le voyage, du point de vue de l’homme sur Terre. Le voyageur lui-même, bien-entendu, n’aurait rien remarqué d’inhabituel, mais, à son retour, il aurait soudain réalisé que son frère jumeau était maintenant beaucoup plus âgé. Ce « paradoxe des jumeaux » est peut-être le plus célèbre de la physique moderne. Il a provoqué des discussions animées dans les journaux scientifiques, dont quelques-unes se poursuivent encore ; c’est une preuve éloquente du fait que la réalité décrite par la théorie de la relativité ne peut être saisie par notre compréhension ordinaire.
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Le paradigme en voie de disparition a gouverné et dominé notre civilisation pendant de longs siècles. Non seulement il est le cadre, ou le moule, dans lequel s'est structurée la société occidentale, mais le monde entier a également subi son influence dans des proportions considérables : l'univers, postulait-on, est un système purement mécanique composé d'un assemblage de blocs élémentaires ; le corps humain est une machine perfectionnée ; la vie est une lutte permanente dans laquelle chaque organisme vivant combat pour sa survie. Enfin - gardons l'une des meilleures pour la fin ! - un certain « ordre naturel » veut que, dans toute la hiérarchie des créatures vivantes, la femelle soit partout et toujours en situation de dépendance et de soumission vis-à-vis du mâle. D'innombrables générations ont été endoctrinées par cette idéologie, qui ne résiste pourtant pas aux découvertes de la science moderne. Dans tous les pays, des femmes et des hommes, de plus en plus nombreux, ont acquis la conviction que des hypothèses de ce genre comportent de graves lacunes et doivent être radicalement revues.
(...)
La science moderne vient confirmer le paradigme écologique mais ce dernier puise sa substance dans une perception du réel dépassant de très loin le seul cadre scientifique : il s'agit en fait d'une ouverture de conscience grâce à laquelle un être découvre, parfois hors de toute démarche scientifique ou intellectuelle, la profonde unité de la vie sous toutes ses formes, la constante interdépendance de ses infinies manifestations et leurs cycles de transformation. En fin de compte, cette conscience écologique en profondeur se confond avec la démarche spirituelle. Une certaine théologie s'est acharnée à séparer « l'esprit » de la matière, viciant ainsi le problème d'entrée de jeu. L'esprit n'est rien d'autre qu'un état de conscience élargi. Celle ou celui qui atteint cet état intérieur ne se sent plus séparé du « Grand Tout » cosmique, mais a au contraire la certitude viscérale, organique, d'y être intimement intégré. Il devient dès lors évident que la conscience écologique est d'essence spirituelle au sens le plus vrai du terme. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir notre nouvelle approche de la réalité rejoindre les concepts élaborés par diverses traditions spirituelles. (p. 330-331)
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J'étais assis un soir au bord de l'océan un soir d'été, regardant déferler les vagues et sentant le rythme de ma respiration, lorsque je pris soudain conscience de tout mon environnement comme étant engagé dans une gigantesque danse cosmique.

Etant physicien, je savais que le sable, les roches, l'eau et l'air autour de moi était composés de molécules vibrantes et d'atomes, consistant en particules qui en créent et en détruisent d'autres par interactions. Je savais aussi que l'atmosphère de la Terre était continuellement bombardée par des pluies de rayons cosmiques, particules de haute énergie subissant de multiples collisions lorsqu'elles pénètrent dans l'air. Tout cela m'était familier de par ma recherche en physique des hautes énergies, mais jusque là, je l'avais seulement expérimenté à travers des graphes, des diagrammes, et des théories mathématiques. Tandis que je me tenais sur la plage, mes expériences théoriques passées devinrent vivantes. Je vis des cascades d'énergie descendre de l'espace au sein desquelles les particules étaient créées et détruites selon des pulsations rythmiques. Je vis les atomes des éléments et ceux de mon corps participer à cette danse cosmique de l'énergie. J'en sentais les rythmes et j'en entendais les sons, et à ce moment précis, je sus que c'était la danse de Shiva, le seigneur de la danse adoré par les hindous.
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...cette idée d'un univers périodiquement en expansion et en contraction, qui implique une échelle spatio-temporelle de vaste proportion, a surgi non seulement dans la cosmologie moderne, mais également dans l'antique mythologie indienne. Considérant l'univers comme un monde organique, bougeant rythmiquement, les hindous furent capables de développer des cosmologies évolutives très proches de nos théories scientifiques modernes. L'une de ces cosmologies est fondée sur le mythe hindou de Lila — le jeu divin — dans lequel Brahman se transforme lui-même en mondes. Lila est un jeu rythmique qui se répète en des cycles infinis, l'Un devenant multiple et le multiple redevenant Un. Dans la Bhagavad-Gita, le dieu Krishna décrit ainsi le jeu rythmique de la création :

« A la fin de la nuit des temps, toutes choses retournent à ma nature ; et quand vient le nouveau jour des temps, je les introduis à nouveau dans la lumière.

« Ainsi, par ma nature, j'engendre toute création et celle-ci tournoie dans les cercles du temps.

« Mais je ne suis pas lié par cette immense oeuvre de création. Je suis et je contemple le spectacle des travaux, je contemple, et la nature dans ses oeuvres produit tout ce qui est mobile et immobile : ainsi adviennent les révolutions de l'univers. »

Les sages hindous n'avaient pas peur d'identifier ce jeu divin rythmique à l'évolution de l'ensemble du cosmos. Ils dépeignent l'univers engagé dans une contraction et une expansion périodiques, et donnent le nom de kalpa à l'inconcevable intervalle de temps entre le commencement et la fin d'une création. L'échelle de cet ancien mythe est réellement stupéfiante ; il fallut à l'esprit humain plus de deux mille ans pour renouer avec une telle notion ! (p. 203)
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La conception mécaniste du monde de la physique classique est utile à la description des phénomènes physiques que nous rencontrons dans notre vie quotidienne et donc propre à traiter de notre environnement quotidien, et une telle conception s'est révélée également extrêmement opérante en tant que base de la technologie. Elle s'avère cependant incapable de rendre compte des phénomènes physiques dans le domaine infra-atomique. Ce qui s'oppose à la conception mécaniste du monde, c'est la vision spirituelle qui peut être résumée par le mot « organique », puisqu'elle considère tous les phénomènes de l'univers comme les parties intégrantes d'un tout harmonieux et indissociable. Dans les traditions mystiques, une telle vision du monde naît des états méditatifs de la conscience. Dans leur description du monde, les mystiques usent de concepts tirés de ces expériences non ordinaires et qui sont, en général, impropres à une description scientifique des phénomènes macroscopiques. La vision organique du monde n'offre aucun intérêt pour la construction des machines, ni pour la résolution des problèmes techniques dans un monde surpeuplé.

Dans la vie quotidienne, les visions mécanistes et organiques de l'univers sont donc également valides et utiles ; l'une pour la science et la technologie, l'autre pour une vie spirituelle équilibrée et accomplie. Au-delà des dimensions de notre environnement quotidien, toutefois, les concepts mécanistes perdent leur validité et doivent être remplacés par des concepts organiques très voisins de ceux utilisés par les mystiques. Telle est l'expérience essentielle de la physique moderne, dont il a été question ici. Les physiciens au XXe siècle ont montré que les concepts de la vision organique du monde, bien que de peu de valeur pour la science et la technologie à l'échelle humaine, deviennent extrêmement pratiques au niveau atomique et infra-atomique. La vision organique semble donc plus fondamentale que la vision mécaniste. La physique classique, fondée sur cette dernière, peut être déduite de la théorie des quanta, qui implique la première, tandis que l'inverse n'est pas vrai. Cela semble donner une première indication de la raison pour laquelle nous pouvons nous attendre à ce que les visions du monde de la physique moderne et de la pensée spirituelle orientale soient similaires. Elles se présentent toutes deux lorsque l'homme examine la nature essentielle des choses — les strates les plus profondes de la matière en physique ; les états de conscience les plus profonds dans le mysticisme —, lorsqu'il découvre une réalité différente sous l'apparence mécaniste superficielle de la vie quotidienne.
(...)
Les mystiques parlent souvent d'expérimenter des dimensions supérieures, dans lesquelles les empreintes sur les différents centres de conscience sont intégrées en un tout harmonieux. Une situation similaire se rencontre en physique moderne, où a été développée une formalisation quadridimensionnelle de l'Espace-Temps unifiant des concepts et des observations appartenant à des catégories différentes dans le monde tridimensionnel ordinaire. Dans les deux domaines, les expériences multidimensionnelles transcendent le monde sensoriel et sont, par conséquent, presque impossibles à exprimer en langage ordinaire. (pp. 308-310)
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L'unité fondamentale de l'univers n'est pas seulement la caractéristique centrale de l'expérience mystique, elle est aussi l'une des révélations les plus importantes de la physique moderne.
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