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Critique de SZRAMOWO


C'est toujours un plaisir de lire Christian Carayon, et ce roman ne le dément pas.
Le lecteur est happé dès les premières lignes, par l'histoire de Martial de la Boissière et d'Alain Monsignac, deux amis d'enfance qui se sont éloignés l'un de l'autre.
La guerre, les choix de vie, les relations, la famille.
Martial de la Boissière est plutôt solitaire, il vit une histoire compliquée avec Camille une femme dont il est amoureux, il se réfugie dans la conduite d'enquêtes policières pour le Cercle Cardan dont il est un membre éminent.
Il fuit les anciens combattants et leur doxa militaire, il veut démasquer les charlatans qui dans ces périodes troubles vendent de la divination, du rêve malsain, du bonheur douteux.
"Il vivait bien dans son monde à lui, abrité derrière les murs du domaine de Beaunac. Il avait son manoir, ses chevaux, ses forêts, ses combes, ses collines, son ruisseau. Il avait Raoul, dont la loyauté était aussi grande que son visage était ravagé. Il avait Camille, qui passait dans sa vie à défaut de la partager réellement. Et, quand il sortait de Beaunac, il avait le Cercle Cardan et ses enquêtes."
Alain de Monsignac, fils de militaire, est un marin accompli, couvert de gloire, un homme au physique d'athlète, qui a choisi de se reconvertir en homme d'affaires sous la houlette de son beau père le Notaire Baptiste Lestage.
Il est marié, père d'un fils et, semble-t-il, heureux.
"C'est au cours de l'une d'elles qu'il fit la connaissance de Baptiste Lestage, un riche notaire parisien avec qui il sympathisa. Un peu plus tard, ce dernier le présenta à sa famille. Parmi les quatre enfants du couple, il y avait Marie, de neuf ans sa cadette."
Carayon, comme à son habitude, dépeint avec détails la société française de l'après guerre, ses espoirs, ses déceptions et ses travers. le livre commence en 1925, et ce n'est pas les années folles pour tout le monde, notamment les femmes qui après la guerre sont sommées de revenir au bercail et de jouer leur rôle traditionnel de maman ou de courtisane...
Quand ils se retrouvent après des années de séparation, c'est pour collaborer à une enquête de Martial.
Mais, les choses ne se déroulent pas comme prévu. Alain ne sort pas indemne de la renconre avec Collas, un médium connu sur la place de Paris.
Carayon joue à merveille des doutes des deux hommes, le rationnel et pragmatique Martial se trouve confronté à l'irrationnel et la fiction dépasse cette fois la réalité. Il perd pied.
Alain se voit jeter à la face le côté lisse et sans aspérités de sa vie de bon soldat, de bon fils, de bon mari, de bon père.
Le récit se déroule dans ce contexte qui voit s'affronter des personnages ne pouvant plus donner le change quant à leur personnalités réelles et à leurs désirs cachés.
"Un sabbat, Martial, c'est un moment où on devient enfin nous-mêmes, où on gagne notre liberté, en oubliant les règles établies. Une femme libre, c'est embêtant, n'est-ce pas ? Mieux vaut alors faire courir des bruits alarmants… Dans un sabbat, Martial, on se drogue. Comme dans une fumerie d'opium à ciel ouvert. Il y a des plantes qui, jetées dans le feu, dégagent une fumée qui vous rend libre."
Martial pourra-t-il et devra-t-il étaler au grand jour la vérité et la turpitude de la famille Lestage dans laquelle les circonstances l'amènent à enquêter sur l'Ile de Bréhat.
Quelles étaient les relations entre Baptiste Lestage et sa femme Marie-Gabrielle ? Les affaires du notaire, notamment ses investissemenst à Erquy pour créer une station balnéaire -"Sable d'Or"- étaient-ils si juteux que prévus ? Ses héritiers voyaient-ils cela d'un bon oeil ?
Point fort du livre, la tempête d'équinoxe qui dévaste tout sur son passage, et remet en cause les préoccupations fragiles des uns et des autres.
"Quand ils réussirent à apercevoir la maison d'Élisabeth, celle-ci n'était plus qu'un vaisseau fantôme dans la tempête, et ne restaient plus que quelques murs trop épais, dégoulinant d'humidité, un toit arraché aux deux tiers, tandis que du chaume restant s'échappaient de la fumée et quelques flammèches."
Le style Carayon fonctionne à merveille.
Quelques perles du genre :
Septembre était né depuis quelques heures et reposait dans un berceau d'été.

— Qu'importe ! J'ai l'essentiel avec moi. Et puis, vous savez bien que pour voyager, il n'y a besoin que de trois choses : une montre, un livre et un couteau.

Malgré les draps changés, l'odeur de la diarrhée qui avait achevé son agonie était toujours prégnante, la tempête empêchant qu'on ouvre les fenêtres. Ici, Martial baissa la voix autant qu'il le put.

Les mains squelettiques étaient croisées au-dessus d'une bible poussiéreuse qui reposait sur ce qui avait été, autrefois, son ventre. Mais ce que Martial voyait, c'était la cape rouge que la morte portait sur ses vêtements, une longue cape rouge, déjà attaquée par l'humidité.
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