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Critique de johaylex


Gagné grâce à l'opération masse critique Babelio.

Privé d'une sensibilité particulière pour la SF par manque d'auto-éducation, mes connaissances du genre n'excèdent pas la lecture de Philip K. Dick ou du cycle de Dune. L'ambiance, peut-être, l'indisponibilité à m'ouvrir à d'autres mondes, aux autres univers que portent les différentes oeuvres, ont contribué à cette méconnaissance que d'aucuns considéreraient comme tragique.
Participer à masse critique imaginaire était donc un pari sur ma capacité à ne pas lâcher le livre en cours de lecture, d'autant que mes choix portant à la base sur la fantasy, être choisi pour "La Stratégie Ender" de Orson Scott Card avait tout de la mauvaise blague.

Et pourtant.
Surpris de ne pas recevoir une nouveauté, j'ai été tout autant agréablement surpris par cette réédition. La couverture est un peu plus punchy (peut-être un peu cliché ?) et la typographie facilite l'usage lors de nuits blanches.
C'est d'ailleurs lors d'une d'entre elles que, cafardeux, enveloppé d'une fumée noire, j'ai ouvert choisi de me saisir de ce roman.
Alors, imaginez.
Imaginez 4h de lecture ininterrompues un samedi matin, un insomniaque déprimé happé par un univers futuriste qui parle à l'universel.

L'histoire, Ender, un "troisième" (incitation à limiter la natalité) est doté d'une intelligence rare. Il n'a pas 5 ans. Il est le dernier espoir de l'armée pour contrer la prochaine invasion des Doryphores, créatures extra-terrestres. Programmé pour vaincre, on suit son entrainement à l'école militaire, ses rencontres - ses amitiés presque impossibles, ses rivaux hargneux, dangereux -, sa solitude, jusqu'à l'affrontement final.

Plus que SF, La Stratégie Ender est avant tout un roman sur l'enfance. Celle qui se programme, celle qui est volée, mais, surtout, celle qui est violente. Car Orson Scott Card livre un texte d'une violence assez effrayante; sa description des relations entre enfants, qu'elles soient celles de camarades, ou celles d'une fratrie, sont criantes de vérité, du moins, d'une certaine vérité.
La rivalité avec son frère, celui-ci étant comparé au Mal absolu, si Ender a une idée (au sens platonicien du terme) du Mal, elle doit sans doute s'incarner chez son frère, double inversé, un Ender retourné auquel Ender ressemble de plus en plus à mesure de l'histoire.

Pour Card, l'enfance semble être l'état de nature, la guerre de tous contre tous, de tout le monde contre tout le monde, que Thomas Hobbes expose dans son essai "Léviathan".
Pire encore, les sentiments, semblent-ils, rationalisés, n'empêchent pas la mise à mort. Les enfants sont des tueurs. auraient-ils les moyens de détruire univers que l'on pourrait craindre qu'ils le fissent. Et lorsque manipulation il y a, et il y a toujours manipulation, ils le font.

La Stratégie Ender est aussi un roman sur le choix et la possibilité de choisir librement, sans influence.
Témoins le frère et la soeur d'Ender qui jouent les manipulateurs politiques de plus en plus influents sur le réseau d'informations. le rapport aux masses et aux médias tient d'un joli cynisme.

Un espoir, ou une unique possibilité ? Seul le départ vers un nouvel univers permet de pallier à l'échec de cette socialisation - la nôtre, pour Orson Scott Card - et tenter de tout re-commencer, voire re-créer, à l'abri des autres, ou à l'abri des effets de nous-mêmes sur les autres.

Car, seul au milieu des autres, Ender ne sera qu'un tueur, comme chaque être humain est l'assassin potentiel de l'autre; solitaire dans son nouvel univers, peut-être sera-t-il prophète ?
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