Citations sur De bois debout (20)
Il se souvient. De toutes les fois où il a été touché. Des caresses intarissables de la mère, de celles plus rares mais tellement émouvantes du père. De celles, plus tard, chargées d'émoi, de Marie-Soleil.
Et, surtout, de la dernière caresse du monde. Celle, friable, de la main mourante de sa mère, à I'hôpital de Montmagny.
Alexandre se met à pleurer en silence.
-LE PÈRE
Pleure. Tu pisseras moins.
- ALEXANDRE
Je pleure pas.
- LE PERE
Pleure, c'est correct. Mais souviens-toi que c'est ça qui est vrai.
- LE PÈRE
T'auras jamais rien d'aussi vrai que c'que t'as quand tu travailles avec tes mains, comme quand tu viens couper pis fendre pis corder du bois avec moi. Y a rien de plus vrai que ce qui sent l'essence, la sueur pis la marde. Les livres, ils disent le contraire des fois, mais c'est juste parce qu'ls sentent rien. C'est de la propagande. C'est pour que tu commences un autre livre après. Juste pour ça. Les livres, ils se protègent entre eux autres. Plus que le vrai monde. Cest bin ça le pire.
Il suffit souvent d'un peu d'eau chaude dans une tasse pour que les plus grandes histoires se racontent.
Alexandre, que je m'appelle, et je suis le fils d'André. Il ne faut pas oublier mon nom, celui de mon père. Alexandre, c'est un peu comme si le père avait son nom dans le mien. Alexandre : André. Comme s'il était un peu de moi depuis le début de l'histoire. Et chaque fois qu'on m'appelle Alex, c'est comme si le père disparaissait une fois de plus. Un trou dans ma vie. Une béance dans la tête.
Même avec les vivants, on ne sait jamais de quel bord le coeur fendra.
− MARIANNE
Je suis morte, déjà. T’aurais pas un livre, quelque part, qui pourrait encore me faire vivre ?
Les odeurs sont archivées, la lumière hésitante dans l’épaisseur grise, tout se classe selon les degrés de la douleur tandis que la mémoire avale tout, gardera tout, crachera tout quand bon lui semblera, quand les nuits seront longues, quand les sueurs feront glisser le monde.
Parfois, de l’ongle, elle gratte une aspérité. Elle joue de la jointure dans les tissus. Elle flirte de la paume avec les plis et le lisse de la peau. Et, si son corps est proche, c’est Alexandre qui accueille la danse minuscule, devient à la fois une scène de chair et le spectateur.
Je suis pas assez fort pour une vie vide de toi. T’sais qu’on peut mourir du vide ? Du vide plein les bronches, du vide plein les veines, du vide plein la tête. C’est le vide qui va rester pour nous habiter quand tu vas partir.