il faut être en colère, il faut être enragé, c'est indispensable, mais pas toujours, ni pour toujours.
L’héritage le plus fort du père : son silence. C’est lui qui m’accompagne chaque jour de ma vie, sur lui que je marche, en lui que je lis. C’est une marque profonde : entre guillemets, des points de suspension.
Il se souvient. De toutes les fois où il a été touché. Des caresses intarissables de la mère, de celles plus rares mais tellement émouvantes du père. De celles, plus tard, chargées d'émoi, de Marie-Soleil.
Et, surtout, de la dernière caresse du monde. Celle, friable, de la main mourante de sa mère, à I'hôpital de Montmagny.
Je suis pas assez fort pour une vie vide de toi. T’sais qu’on peut mourir du vide ? Du vide plein les bronches, du vide plein les veines, du vide plein la tête. C’est le vide qui va rester pour nous habiter quand tu vas partir.
LA VOIX D’ALEXANDRE
Pour pas pleurer, j’imagine une centaine d’oiseaux blancs s’envoler.
Alexandre se met à pleurer en silence.
-LE PÈRE
Pleure. Tu pisseras moins.
- ALEXANDRE
Je pleure pas.
- LE PERE
Pleure, c'est correct. Mais souviens-toi que c'est ça qui est vrai.
Il suffit souvent d'un peu d'eau chaude dans une tasse pour que les plus grandes histoires se racontent.
Alexandre, que je m'appelle, et je suis le fils d'André. Il ne faut pas oublier mon nom, celui de mon père. Alexandre, c'est un peu comme si le père avait son nom dans le mien. Alexandre : André. Comme s'il était un peu de moi depuis le début de l'histoire. Et chaque fois qu'on m'appelle Alex, c'est comme si le père disparaissait une fois de plus. Un trou dans ma vie. Une béance dans la tête.
Même avec les vivants, on ne sait jamais de quel bord le coeur fendra.
Les odeurs sont archivées, la lumière hésitante dans l’épaisseur grise, tout se classe selon les degrés de la douleur tandis que la mémoire avale tout, gardera tout, crachera tout quand bon lui semblera, quand les nuits seront longues, quand les sueurs feront glisser le monde.