Elle avait le visage de ces femmes qu’on désire au premier regard sans les connaître, parce qu’elles exercent malgré elles un attrait impérieux, charme fascinant autant que mystérieux.
On ne garde pas en cage les oiseaux migrateurs…
Il arrivait à Pierre de les trouver plus intelligents qu’une bonne part de la société européenne, que la misère avait atrophiée à tout point de vue. Pas de riches, pas de pauvres, presque pas de tien ou de mien. Ces Indiens vivaient dans une étonnante harmonie, s’entraidant et se supportant sans besoin de quémander, sans envie de voler.
On ne couche pas gibier et chasseurs dans la même cabane!
Dans un pays comptant de nombreux célibataires, les femmes avaient fait l’objet d’une attention toute particulière; les non mariées étaient peu nombreuses. Pourtant des ordres royaux avaient chargé des communautés religieuses du recrutement de jeunes filles issues de familles campagnardes, robustes et débrouillardes.
Les statuts élaborés par le fondateur, qui n’avait jamais mis les pieds dans le Nouveau Monde, étaient à vrai dire plus candides que réalistes. Ils précisaient que l’on devait «s’unir pour travailler à la conversion des pauvres Sauvages de la Nouvelle-France et pour tâcher d’en rassembler bon nombre dans l’île de Montréal que nous choisissons, adoptons, à cette fin. Notre dessein est de faire bâtir des maisons pour les loger, de défricher la terre pour les nourrir, d’établir des écoles de filles et de garçons pour les instruire et un Hôtel-Dieu pour secourir leurs malades».
"Mathurin Regneault pensa au temps de son enfance quand, dès l'arrivée des premiers grands froids, les gens se barricadaient dans leur maison pour attendre le printemps. L'hiver ne dérangeait plus vraiment, on s'y était habitué. S'il n'était pas venu, on l'aurait sans doute déploré. De verdoyant qu'il était l'été, le paysage devenait splendide l'hiver. Le parfum des fleurs cédait la place à la pureté de l'air, les couleurs multiples, au blanc immaculé. Il y avait de l'orgueil chez les Canadiens à se tenir debout dans la bourrasque, surtout lorsque quelque nouvel arrivé geignait devant eux sous les coups de dent du froid. Mathurin aimait à se répéter: "Moi je suis d'ici." En descendant la côte de la Montagne, du bras il désigna le blanc infini, doré par endroits, du fleuve: "Des couleurs pareilles, ça ne s'invente pas!" p.485
"Au bout du fleuve géant, grande comme une province de France, l'île dormait sous la neige. Elle était allongée entre deux bras d'eau glacée, découpés à même la forêt dont l'immensité recouvrait tout un continent. Autour de l'île, le territoire était si vaste, la nature si sauvage, que le moindre vent, la moindre pluie, la moindre variation brusque de température prenaient des proportions de catastrophe. Les changements de saison étaient des mutations d'univers qui bousculaient profondément la vie des êtres, les chassaient, les ramenaient, les broyaient ou les libéraient, les sauvaient ou les perdaient." p.11