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Critique de Bruidelo


Au début du livre, Emmanuel Carrère nous raconte sa conversion-déconversion à la foi catholique, et ce n'est pas que ce ne soit pas sympathique, mais son style absolument et platement ordinaire, tout à fait dénué d'élan spirituel, de petit grain de folie, de côté étonnant voire un peu délirant, ce n'est pas ce qui me semble le mieux coller à ce type de sujet. Il a presque le ton de quelqu'un qui raconte ses vacances, à peine dépaysantes - parce que c'est important de temps en temps de changer de cadre hein.
J'ai retrouvé ce penchant qui m'avait gêné aussi dans l'Adversaire, Emmanuel Carrère a du mal à assumer, que ce soit son intérêt pour Romand ou son adhésion temporaire à la foi catholique, il s'empêtre dans des fausses hontes, s'y étale avec une complaisance qui m'agace. Franchement, si là je me mettais à passer la moitié de ma critique à m'auto-flageller que vraiment je me trouve trop méchante avec Emmanuel, que c'est moi qui manque de sensibilité et d'empathie, que ce n'est pas de sa faute mais de la mienne si j'attends d'un écrivain plus de liberté à l'égard des jugements de ceux qui l'entourent, la capacité de ne pas s'y engluer, etc, ça ne vous saoulerait pas?
Quand il ne parle pas de lui, mais de Paul, de Luc, des premiers temps du christianisme, de l'écriture des Évangiles, c'est nettement plus intéressant. Pour le coup, Carrère sait mettre en relief le côté un peu fou de Paul. Et nous faire sourire, par des rapprochements sans doute pas très historico-corrects, mais en cela même plaisants, pour nous faire comprendre que Jacques, Pierre et Jean avaient toutes les bonnes raisons de se méfier de Paul (qui avait quand même bien persécuté les Chrétiens avant sa conversion) - hé, imaginez qu'un officier acharné dans la lutte anti-bolchevik aille trouver Staline et lui explique qu'ayant eu une révélation avec accès direct au plus pur marxisme-léninisme, le Politburo doit lui accorder les pleins pouvoirs...
Surtout, Carrère a bossé son sujet, c'est instructif tout en étant d'une lecture facile - même si c'est un peu longuet. Il me donnerait quand même presque envie de lire Renan, à le voir si passionné par la façon dont l'auteur de l'Histoire des origines du christianisme raconte «comment une petite secte juive, fondée par des pêcheurs illettrés, soudée par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n'aurait misé un sesterce, a en moins de trois siècles dévoré de l'intérieur l'Empire romain et, contre toute vraisemblance, perduré jusqu'à nos jours»
À la fin, quand l'auteur reparle de lui (Bon, évidemment, c'est Carrère, il n'avait jamais vraiment arrêté - disons plutôt quand il ne reparle que de lui), c'est beaucoup plus juste, plus fin, moins agaçant, comme si son étude lui avait permis de mieux assumer son côté cul-entre-deux-chaises, entre foi et athéisme.
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