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EAN : 9782818021187
640 pages
P.O.L. (02/08/2014)
3.69/5   1736 notes
Résumé :
A un moment de ma vie, j'ai été chrétien. Cela a duré trois ans, c'est passé.

Affaire classée alors? Il faut qu'elle ne le soit pas tout à fait pour que, vingt ans plus tard, j'aie éprouvé le besoin d'y revenir.

Ces chemins du Nouveau Testament que j'ai autrefois parcourus en croyant, je les parcours aujourd'hui - en romancier? en historien?

Disons en enquêteur.
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Critiques, Analyses et Avis (247) Voir plus Ajouter une critique
3,69

sur 1736 notes
Un livre qui suscite beaucoup de commentaires élogieux mais j'en suis sortie très déçue. le sujet était pourtant riche, c'est en quelque sorte une enquête historique sur la naissance du christianisme. L'action se passe entre les années 30 à 80 après JC.
Les héros sont essentiellement Paul et saint Luc.
Luc qui était Macédonien, qui n'a pas connu le Christ et qui était, selon les termes employés par l'auteur lui-même, le seul goy de la bande des quatre évangélistes.
On voit donc Paul frappé par une vision du Christ sur le chemin de Damas; ensuite on le voit aller à Jérusalem en compagnie de Luc, Luc qui "brode" ensuite beaucoup à partir des récits qu'il a reccueillis.
Un contexte philosophique intéressant aussi puisque Emmanuel Carrère nous montre qu'à cette époque, deux visions de la vie s'opposaient: la vision "d'Ulysse" (que Luc Ferry a si bien décrite) selon laquelle notre vie sur Terre est le bien le plus précieux et la vision chrétienne selon laquelle ce qui compte c'est le monde qui se situe au-delà de la mort.
Les données historiques sur Rome, les politiques des différents empereurs romains Tibère, Néron, Vespasien, Domitien, Titus.. sont très intéressantes mais auraient pu être approfondies davantage.
Bref je suis restée sur ma faim..
Je me suis perdue dans le labyrinthe des digressions avec la désagréable impression que le sujet traité servait surtout à mettre en valeur la vie de l'auteur et ses différentes productions.
De plus les parallèles que Carrère effectue entre la politique de l'époque et notre contexte international actuel m'ont semblé souvent mal venus: le sac de Jérusalem est comparé à l'écrasement de la Tchétchénie... sans compter les digressions sur des sujets qui n'ont a priori rien à voir.. cinq pages sur la pornographie sur Internet, quand même...
Bref, frustration et déception...
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Dernière page de ce livre refermée, le premier pour moi d'Emmanuel Carrère. Au moment de livrer ma critique, je mesure le fait que je vais sûrement réitérer un avis partagé par bon nombre de lecteurs avant moi : L'érudition, le sérieux du travail de recherche qui sous-tendent tout l'ouvrage, ce côté autobiographique entre confession et provocation, l'honnêteté intellectuelle de l'auteur..., sa mise en avant de son vécu de chrétien qu'il assume comme une étape de sa vie qui l'a construit et mené à ce qu'il est aujourd'hui, à ce « Royaume » également que je tenais encore à l'instant dans mes mains.
Si je ne devais pas redire toutes ces choses, je ne dirais que cela : Je ne me suis pas ennuyée une seconde à la lecture de cet ouvrage. J'ai appris beaucoup de choses sans sentir le poids de l'érudition d'un auteur qui se mettrait dans la peau du professeur sensé nous faire la leçon. J'ai aimé avoir cette impression qu'Emmanuel Carrère me livre ses recherches, ses tâtonnements, ses doutes comme si j'assistais au développement de ce récit, à sa genèse. Il m'informe, comme en aparté, de ce qui est convenu et admis dans les milieux autorisés à le faire et de ce qui ne l'est pas car tout droit sorti de son imagination. L'imagination pour habiller l'ignorance des évènements, des sentiments, car la fiction est plus belle et souvent pas moins vraie que la réalité, parce qu'il aime à penser que les choses se soient déroulées ainsi.

Certes le royaume est un phénomène littéraire (ce n'est pas moi qui le dit et personnellement c'est une étiquette qui me fait plus fuir que rappliquer) mais je l'ai lu avant tout comme une oeuvre singulière, celle d'une conscience athée emprunte d'une si belle spiritualité.
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Résumons : c'est l'histoire d'un guérisseur rural qui pratique des exorcismes et qu'on prend pour un sorcier. Il parle avec le diable, dans le désert. Sa famille voudrait le faire enfermer. Il s'entoure d'une bande de bras cassés qu'il terrifie par des prédictions aussi sinistres qu'énigmatiques et qui prennent tous la fuite quand il est arrêté. Son aventure qui a durée moins de trois ans, se termine par un procès à la sauvette et une exécution sordide, dans le découragement, l'abandon et l'effroi. » Deux mille ans plus tard on en parle encore.

Emmanuel Carrère utilise une nouvelle fois son héros de roman préféré, lui-même, pour nous raconter les débuts du christianisme. C'est en conteur, en historien, mais surtout en enquêteur méticuleux et scrupuleux qu'il marche sur les traces de Paul (celui du chemin de Damas…) et sur ceux de Luc qu'il considère comme le premier romancier. Carrère parle de lui, de sa crise de foi, il y a vingt ans il s'est cru chrétien et durant trois années, il fut un vrai bigot. Sa foi s'est envolée comme elle était venue, seule est resté la question : pourquoi deux mille ans plus tard on en parle encore ?

Sous la plume de Carrère les lettres de Paul et l'évangile de Luc deviennent de précieux documents historiques sur la vie des premières communautés chrétiennes et sur la vie quotidienne autour de la Méditerranée que Paul et Luc en bons prosélytes ont parcourue sans cesse dans le milieu du premier siècle. La vie de Paul est un péplum fait d'amitié, de trahison, de foule en délire et de Romains médusés de voir une bande de monothéiste s'entre déchirer.

Utilisant des anachronismes plutôt bienvenus, il compare le début du Christianisme à l'Union Soviétique après Lénine, le lecteur avance dans le premier siècle de notre ère en terrain presque connu.

Luc sera l'écrivain, le rapporteur peut être le plus fidèle car le moins exalté. Carrère s'écrit en train d'écrire, c'est sa marque de fabrique.

Deux mille ans plus tard, il relit les évangiles, les digère et les réécrit pour nous, et ce serait bien le diable que son récit devienne étouffe chrétien".
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Emmanuel Carrère aura consacré sept ans de sa vie à l'écriture du "Royaume", un essai bien documenté qui entraîne le lecteur dans les eaux troublées et profondes du christianisme à sa source.

Sa fascination pour l'évangéliste Luc - le seul des quatre qui fut cultivé et lettré - l'incite à chausser les sandales de ce médecin hellénisé et à retracer sa possible biographie, de son cheminement avec Paul à la rédaction de son témoignage, le plus "scénarisé" et dramatique des quatre Évangiles canoniques. Aussi Emmanuel Carrère aborde-t-il Luc comme un écrivain plutôt que comme un messager, et c'est ce qui fait la diversité et la richesse du "Royaume".

En tant que catholique pratiquante, cet ouvrage avait de grandes chances de m'intéresser et tel fut le cas. Même si je regrette que l'auteur - indéniablement un grand érudit, de la "graine d'académicien" - ait parfois un peu facilement actionné les leviers de la provocation et de la complaisance, dans l'ensemble j'ai trouvé son oeuvre remarquable, et son style très avenant.

Son approche du thème est originale et reste accessible à tout lecteur. Après un démarrage assez nombriliste qui effraie quelque peu, le lecteur découvre petit à petit l'ampleur des recherches, et la structure du récit qu'Emmanuel Carrère a érigée à la manière d'un château de cartes qu'un souffle de vent peut renverser en un instant. Au-delà de la curiosité sincère qu'il confesse pour son sujet, il a entrepris avec courage d'expliquer l'inexplicable, de saisir l'impalpable et de mettre en pleine lumière le message de Jésus et sa transmission. Ce faisant, il renvoie chaque lecteur à l'examen introspectif de la part la plus secrète de son être : la spiritualité, au sens large.

"J'étais en train d'achever ce livre et j'en étais, ma foi, plutôt content. Je me disais : j'ai appris beaucoup de choses en l'écrivant, celui qui le lira en apprendra beaucoup aussi, et ces choses lui donneront à réfléchir : j'ai bien fait mon travail. En même temps, une arrière-pensée me tourmentait : celle d'être passé à côté de l'essentiel. Avec toute mon érudition, tout mon sérieux, tous mes scrupules, d'être complètement à côté de la plaque. Évidemment, le problème, quand on touche à ces questions-là, c'est que la seule façon de ne pas être à côté de la plaque serait de basculer du côté de la foi – or je ne le voulais pas, je ne le veux toujours pas."

Après plus de 600 pages d'un méticuleux travail d'exégète et d'historien, c'est par ces mots qu'Emmanuel Carrère - qui fut croyant et qui prétend ne plus l'être aujourd'hui - amorce sa conclusion, me confortant dans l'idée que tout au long de son essai il a eu le cul entre deux chaises, faisant tour à tour preuve d'audace et de pusillanimité pour reculer finalement devant le verdict final, se donnant pour cela pas mal d'excuses.

Ce qui gêne intimement l'auteur n'est rien de moins que ce qui gêne la plupart des personnes qui se pensent athées : le refus de la parole de Jésus qui indique la voie étroite, celle qu'aucun d'entre nous n'a envie ni de regarder ni d'emprunter : "aimez-vous les uns les autres", "aime ton prochain comme toi-même". Beaucoup de personnes (chrétiennes ou non) pensent déjà obéir à cette ligne de conduite mais il n'en est rien car la majorité aime ce qu'il est aisé d'aimer : parents, frères, amis. Quel mérite y a-t-il à aimer ceux qui t'aiment ? Quel mérite à aimer une femme jeune, jolie et en bonne santé ? Le véritable amour - le vrai trésor - est vérité et humilité : aime ton ennemi, aime le pauvre, le malade, l'étranger, l'handicapé, le réprouvé. "Là où est ton trésor, là est ton cœur".

Très loin d'être moi-même à la hauteur de cette consigne, j'ose toutefois souhaiter à mes amis comme à mes ennemis d'avoir la foi, la vraie, la forte, l'aimante, celle qui porte et déplace les montagnes, celle qui éclaire la vie, celle surtout qu'il est urgent d'arrêter de confondre par bêtise ou par ignorance avec la religion.


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Challenge PAVES 2016 - 2017
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Encore une fois, Carrère fait du Carrère... si on aime ça, on aime le Royaume et si on déteste ça, on déteste le royaume ! Moi j'aime ça, profondément, ça me parle, ça m'amuse, ça m'émeut, ça m'intéresse.

Cette fois, c'est à la foi chrétienne qu'il s'attaque, à la fois la sienne propre pendant les quelques années où il l'a vécue, et celle des premiers chrétiens, notamment l'intransigeant Paul de Tarse et l'évangéliste conciliant Luc. Comme toujours, son récit est incroyablement documenté et très instructif, distinguant clairement ce qui relève de la vérité historique et ce qui relève de l'interprétation ou de l'invention.

Mais on ne serait pas chez Carrère si ça s'arrêtait là ! Il est bien le seul à pouvoir intercaler une description de vidéo porno dans une partie sur les évangiles sans paraitre irrévérencieux ou absurde. Pourquoi ? Parce qu'il fait sans arrêt preuve d'introspection, de lucidité et d'autodérision ; impossible pour moi dans ce contexte de lui tenir rigueur de son égocentrisme ou de sa mégalomanie.

Si le livre est brillant et passionnant, il peut aussi sembler difficile à aborder, car particulièrement touffu et dense. Je l'ai donc lu à petits coups, en revenant parfois en arrière, en m'arrêtant quand j'approchais l'overdose de miracles ou de sermons, en piochant parfois un chapitre, parfois 100 pages. Et je le relirai bientôt, c'est sûr.

Challenge PAL
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critiques presse (9)
LaLibreBelgique
26 septembre 2016
On a beau avoir entendu déjà les lettres de saint Paul, le livre très fouillé de Carrère leur donne un éclairage fascinant.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
NonFiction
06 mars 2015
Dans cette enquête sur le premier christianisme, l'auteur de "L'Adversaire" s'interroge sur les ressorts de la foi et plus encore sur les rouages d'une œuvre littéraire.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LaPresse
16 septembre 2014
C'est l'enquête d'un écrivain sur les Écritures, et le récit, souvent drôle, du désir de croire d'un «agnostique amical» envers le christianisme. Carrère, comme d'habitude, surprend.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeDevoir
15 septembre 2014
Au sommet de son art, Carrère signe un ouvrage passionnant, sept ans de lectures et de réflexions que vingt ans de vie englobent.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Culturebox
12 septembre 2014
C'est en tout cas un livre savant, touffu, dont on imagine quelle somme colossale de travail il a dû demander à son auteur [...]."Le Royaume" est un livre extraordinairement documenté, un peu escarpé du coup, pour celui qui ne connait pas très bien le sujet.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Lexpress
01 septembre 2014
C'est l'un des chocs de cette rentrée. Entre fresque historique et réflexion théologique, Emmanuel Carrère remonte aux sources du christianisme. Un chemin vertigineux où les apôtres croisent l'écrivain d'aujourd'hui mais aussi l'ex-catho pétri de doutes. Son Royaume est bien de ce monde.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaPresse
29 août 2014
Croyants ou non croyants, précipitez-vous sur Le royaume d'Emmanuel Carrère, palpitante fresque-enquête sur les débuts de la chrétienté, qui mêle d'une plume extraordinairement vivante, histoire, méditation, humour, érudition et souvenirs intimes: le choc de la rentrée littéraire française.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LesEchos
29 août 2014
C'est passionnant. Il est un guide merveilleux dans cette virée chez les premiers chrétiens, drôle et érudite à la fois, jamais pédante, écrite dans un style où les anachronismes de langage éclairent le propos.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Telerama
29 août 2014
Entre péplum et exégèse, cette histoire des premiers temps du christianisme ébranle autant qu'elle passionne.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (346) Voir plus Ajouter une citation
Récapitulons. Luc est un Grec instruit qu'attire la religion des Juifs. Depuis sa rencontre avec Paul, un rabbin controversé qui fait vivre ses adeptes dans un état de haute exaltation, il est devenu un compagnon de route de ce culte nouveau, variante hellénisée du judaïsme, qu'on n'appelle pas encore le christianisme. Il est, dans sa petite ville de Macédoine, un des piliers du groupe converti par Paul. A l'occasion de la collecte, il se porte volontaire pour l'accompagner à Jérusalem. C'est le grand voyage de sa vie. Paul a mis en garde ses compagnons : la visite à la maison mère risque de n'être pas de tout repos, mais Luc n'imaginait tout de même pas que cela se passerait aussi mal, que dans la ville sainte des Juifs son mentor était à ce point détesté. Il l'a vu mis en accusation, non par des rabbins orthodoxes comme il s'y était préparé, mais par les dirigeants de sa propre secte. Astreint à une épreuve humiliante, dénoncé, quasi lynché, sauvé de justesse et pour finir emprisonné par les Romains.
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Calypso, qui est le prototype de la blonde, celle que tous les hommes voudraient se faire mais pas forcément épouser, celle qui ouvre le gaz ou avale des cachets pendant le réveillon que son amant fête en famille, Calypso a pour retenir Ulysse un atout plus puissant que ses pleurs, que sa tendresse, et même que la toison bouclée entre ses jambes. Elle est en mesure de lui offrir ce dont tous le monde rêve. Quoi? L'éternité. Rien de moins. S'il reste avec elle, il ne mourra jamais. Il ne vieillira jamais. Ils ne tomberont jamais malades. Ils garderont pour toujours l'une le corps miraculeux d'une très jeune femme, l'autre celui, robuste, d'un homme de quarante ans au sommet de sa séduction. Ils passeront la vie éternelle à baiser, faire la sieste au soleil, nager dans la mer bleue, boire du vin sans avoir la gueule de bois, baiser encore, ne jamais s'en lasser, lire de la poésie si ça leur chante, et pourquoi pas en écrire. Proposition tentante, admet Ulysse. Mais non, je dois retourner chez moi. Calypso croit avoir mal entendu. Chez toi? Tu sais ce qui t'attend, chez toi? Une femme qui n'est déjà plus de la première jeunesse, qui a des vergetures et de la cellulite et que la ménopause ne va pas arranger. Un fils que tu te rappelles comme un adorable petit garçon mais qui est devenu en ton absence un adolescent à problèmes et qui a des fortes chances de tourner toxico, islamiste, obèse, psychotique, tout ce que les pères redoutent pour leurs fils. Toit-même, si tu t'en vas, tu seras bientôt vieux, tu auras mal partout, ta vie ne sera plus qu'un couloir sombre qui se rétrécit et si atroce qu'il soit d'errer dans ce couloir avec ton déambulateur et ta perfusion sur roulettes tu te réveilleras la nuit ivre de terreur parce que tu vas mourir. C'est cela, la vie des hommes. Je te propose celle des dieux. Réfléchis.
C'est tout réfléchi, dit Ulysse. Et il part.

Beaucoup de commentateurs, de Jean-Pierre Vernant à Luc Ferry, voient dans le choix d'Ulysse le dernier mot de la sagesse antique, et peut-être de la sagesse tout court. La vie d'homme vaut mieux que celle de dieu, pour la simple raison que c'est la vraie. Une souffrance authentique vaut mieux qu'un bonheur illusoire. L'éternité n'est pas désirable parce qu'elle ne fait pas partie de notre lot. Ce lot imparfait, éphémère, décevant, c'est lui seul que nous devons chérir, c'est vers lui que nous devons sans cesse retourner, et toute l'histoire d'Ulysse, toute l'histoire des hommes qui consentent à n'être qu'hommes pour être pleinement hommes, est l'histoire de ce retour (pp. 292-293).
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Un passage un peu long, peut-être... Mais je vous encourage à le lire : il reflète parfaitement le style de son auteur, en amenant le sujet du "Royaume" avec un magnifique talent :

"Disons qu'(il) fait partie de cette famille de gens pour qui être ne va pas de soi. Depuis l'enfance, il se demande : qu'est-ce que je fais là ? Et c'est quoi, "je" ? Et c'est quoi, "là" ? Beaucoup de gens peuvent vivre toute leur vie sans être effleurés par ces questions - ou s'ils le sont, c'est très fugitivement, et ils n'ont pas de mal à passer outre. Ils fabriquent et conduisent des voitures, font l'amour, discutent près de la machine à café, s'énervent parce qu'il y a trop d'étrangers en France, ou trop de gens qui pensent qu'il y a trop d'étrangers en France, préparent leurs vacances, se font du soucis pour leurs enfants, veulent changer le monde, avoir du succès, quand ils en ont redoutent de le perdre, font la guerre, savent qu'ils vont mourir mais y pensent le moins possible, et tout cela, ma foi, est bien assez pour remplir une vie. Mais il existe une autre espèce de gens pour qui ce n'est pas assez. Ou trop. En tout cas, ça ne leur va pas comme ça. Sont-ils plus sages ou moins que les premiers, on peut en débattre sans fin, le fait est qu'ils ne se sont jamais remis d'une espèce de stupeur qui leur interdit de vivre sans se demander pourquoi ils vivent, quel est le sens de tout cela s'il y en a un. L'existence pour eux est un point d'interrogation et même s'ils n'excluent pas qu'à cette interrogation il n'y ait pas de réponse ils la cherchent, c'est plus fort qu'eux.
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Maintenant, ce qui fait la réussite d’un film, ce n’est pas la vraisemblance du scénario mais la force des scènes et, sur ce terrain-là, Luc est sans rival : l’auberge bondée, la crèche, le nouveau-né qu’on emmaillote et couche dans une mangeoire, les bergers des collines avoisinantes qui, prévenus par un ange, viennent en procession s’attendrir sur l’enfant… Les rois mages viennent de Matthieu, le bœuf et l’âne sont des ajouts beaucoup plus tardifs, mais tout le reste, Luc l’a inventé et, au nom de la corporation des romanciers, je dis : respect.
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Voici comment Marguerite Yourcenar dit avoir écrit les Mémoires d’Hadrien:
« La règle du jeu : tout apprendre, tout lire, s’informer de tout et, simultanément, adapter à son but les Exercices d’Ignace de Loyola ou la méthode de l’ascète hindou qui s’épuise, des années durant, à visualiser un peu plus exactement l’image qu’il crée les yeux fermés. Poursuivre, à travers des milliers de fiches, l’actualité des faits : tâcher de rendre leur mobilité, leur souplesse vivante, à ces visages de pierre. Lorsque deux textes, deux affirmations, deux idées s’opposent, se plaire à les concilier plutôt qu’à les annuler l’un par l’autre; voir en eux deux facettes différentes, deux états successifs du même fait, une réalité convaincante parce qu’elle est complexe, humaine parce qu’elle est multiple.
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Vidéo de Emmanuel Carrère
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/


Giuliano da Empoli est notre dernier invité. On se souvient, un an après, de son premier roman "Le mage du Kremlin", qui sortira en poche au mois de janvier et qui ne cesse de résonner avec l'actualité. le livre sera bientôt adapté au cinéma par Olivier Assayas et ce n'est autre qu'Emmanuel Carrère qui travaille à son scénario. Emmanuel Carrère et Giuliano da Empoli se retrouvent sur le plateau de la Grande Librairie pour nous parler de cette adaptation, mais aussi de la manière dont ils racontent la Russie à notre époque.
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