AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Olivia-A


Que dire du "Royaume"? C'est un livre riche, très riche (un "péplum" comme son auteur le décrit lui-même). Beaucoup d'informations pour le moins variées, sur des thèmes parfois franchement opposés.

Alors c'est l'histoire du début du christianisme, quand Jésus est mort puis ressuscité, mais finalement plus là, et que ce sont ses disciples, ou même des gens qui ne l'ont pas connu de son vivant (Paul notamment) qui prêchent en son nom et établissent des églises un peu partout autour de la Méditerranée. Mais ce n'est pas que ça, c'est même loin d'être aussi simple.
C'est aussi une confidence sur ces quelques années durant lesquelles Emmanuel Carrère a cru. Il a été chrétien, il a passé des matinées à commenter dans des cahiers les Évangiles, il a fait baptiser son fils, et il s'est intéressé de manière approfondie aux mystères de chrétienté. Et en fait, ce livre vient de là, de cette période d'il y a vingt ans, qu'il avait préféré enfouir et oublier.
Mais c'est encore plus que ça, puisqu'Emmanuel Carrère n'est plus croyant aujourd'hui, et qu'il expose clairement dans son livre que sa démarche est avant tout celle d'un enquêteur soucieux de rétablir la vérité historique, plutôt que celle d'un croyant cherchant à convertir ses lecteurs. Il s'appuie notamment sur la démarche d'Ernest Renan et sa "Vie de Jésus" dans laquelle il essaye de rendre compte, en toute objectivité, de la vie de Jésus de Nazareth, en tant qu'homme plutôt qu'en tant que Messie. Ici finalement, c'est pareil, Emmanuel Carrère nous restitue les péripéthies de Luc, auteur d'un des quatre Evangiles qui sont la base même de la chrétienté, depuis sa rencontre avec Paul, jusqu'à sa décision de prendre la plume pour raconter tout ça, Jésus, le Temple de Jérusalem, la guerre de clans entre les premiers chrétiens, la propagation jusqu'à Rome, la traque organisée par Néron après l'incendie, le massacre des chrétiens puis des juifs, bref tout ce qu'on connait peu et mal, et qui finalement a permis à cette aberrante histoire de résurrection de devenir la religion la plus pratiquée dans le monde pendant des siècles et de perdurer aujourd'hui encore.

Mais tout cela ne vous donne pas mon avis sur le livre. Et là aussi c'est compliqué.
D'une manière générale, j'ai aimé ce livre, plus spécifiquement, j'ai préféré certains passages à d'autres. Emmanuel Carrère nous époustoufle par sa connaissance des textes bibliques, mais aussi des ouvrages qui gravitent autour de ces textes, et qui servent aussi de base à son roman. Il nous touche par la confiance qu'il nous accorde en nous dévoilant cette partie étrange de sa vie où il s'est mis à croire de manière compulsive en Dieu. Il nous fait réfléchir aussi, on nous présentant la vérité historique, et ses propres hypothèses, en nous montrant que notre monde est tel qu'il est aujourd'hui grâce (ou à cause) d'infimes détails, petits moments de l'histoire où tout aurait pu être interprété différemment, relaté différemment, où certaines actions auraient pu se dérouler d'une autre manière. Pourquoi a-t-on fait circuler le bruit d'une résurrection après avoir retrouvé le tombeau de Jésus vide? Et si les Romains avaient fait disparaitre le corps justement pour empêcher le développement d'un culte autour de cet homme, mort d'une manière atroce, condamné par Ponce Pilate, probablement sous l'influence du tribunal juif d'Israël? Tout reste bien sûr à l'état d'hypothèse, mais tout de même, ça fait réfléchir.
Mais par ailleurs, Emmanuel Carrère trouve un juste milieu, comme dans ses livres précédents, entre le récit informatif et l'autobiographie. Et finalement le mélange des deux est vraiment passionnant, puisqu'on retrouve dans ce récit d'une autre époque, d'un autre âge des références toutes contemporaines (notamment le parallèle entre la secte juive de l'époque et le Politburo soviétique). Et aussi parce qu'on assiste, au cours de ces 630 pages, à la progressive transformation de l'auteur, qui parvient finalement à être en accord avec cette période de sa vie où il a été si différent de lui-même et si versé dans la religion. Et c'est ça que j'ai finalement trouvé le plus beau, au-delà des considérations historiques, et des questionnements philosophiques et théologiques.

Un douzième Carrère qui ne déçoit pas.
Lien : https://theunamedbookshelf.w..
Commenter  J’apprécie          542



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}