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Citations sur Limonov (221)

Zakhar et ses copains avaient une quinzaine d'années quand le communisme s'est effondré. Leur enfance s'était écoulée en Union Soviétique, et elle avait été meilleure que leur adolescence et que leur jeune âge adulte. Ils se rappelaient avec tendresse et nostalgie ce temps où les choses avaient un sens, où on n'avait pas beaucoup d'argent mais où il n'y avait pas non plus beaucoup de choses à acheter, où les maisons étaient bien tenues et où un petit garçon pouvait regarder son grand-père avec admiration parce qu'il avait été le meilleur tractoriste de son kolkhoze. Ils avaient vu la défaite et l'humiliation de leurs parents, gens modestes mais fiers d'être ce qu'ils étaient, qui avaient plongé dans la misère et surtout perdu leur fierté.
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Cinq ans plus tôt, les foules se seraient prosternées. L'Archipel du Goulag venait de paraître, on n'en revenait pas d'avoir le droit de le lire. Mais il revient dans un monde où, après quelques années de boulimie, la littérature russe n'intéresse plus personne, et surtout pas la sienne. Les gens en ont assez des camps de concentration, les libraires ne vendent plus que des best-sellers internationaux et ces manuels que les Anglo-Saxons appellent des how-to : comment perdre des kilos, devenir riche, exploiter son potentiel. Les parlotes dans les cuisines, la dévotion pour les poètes, le prestige de l'objection de conscience, tout cela est fini.
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Autrefois on vivait mal, on râlait dans sa barbe, il n'empêche qu'on était globalement fiers : de Gagarine, du Spoutnik, de la puissance de l'armée, de l'étendue de l'Empire, d'une société plus juste qu'en Occident.
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Le ratage était noble, l'anonymat était noble, même la déchéance physique était noble. Ils pouvaient rêver d'être libres un jour, et ce jour-là d'être salués comme des héros qui, clandestinement, souterrainement, ont préservé pour les générations à venir le meilleur de la culture russe. Mais, la liberté venue, ils n'intéressent plus personne. Ils sont nus, ils grelottent dans le grand froid de la compétition.
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En Occident tout est permis et rien n'a d'importance, ici c'est le contraire : rien n'est permis, tout est important, et Vitez semble trouver que c'est beaucoup mieux...Bien sûr, on ne peut pas être contre la liberté, ni même contre le confort, mais il ne faudrait pas que l'âme du pays s'y perde.
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On était sûr, dans un débat, de se tailler un succès en évoquant la théorie des 5% formulée par le Petit Père des Peuples (en substance : si sur la masse des gens arrêtés il y a 5% de coupables, c'est déjà bien), on en citant la phrase de son commissaire à la justice, Krylenko : " il ne faut pas seulement exécuter les coupables, l'exécution des innocents impressionne davantage".
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j'ai publié en 1986 un petit essai dont le titre, le détroit de Behring, renvoyait à une anecdote que m'avait racontée ma mère : après la disgrâce et l'exécution de Beria, chef du NKVD sous Staline, les souscripteurs de la Grande Encyclopédie Soviétique ont reçu l'instruction de découper dans leur exemplaire l'article louangeur consacré à cet ardent ami du prolétariat pour le remplacer par un article de calibre identique sur le détroit de Behring. Beria, Bering : l'ordre alphabétique était sauf, mais Beria n'existait plus. Il n'avait jamais existé.
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Les gens de l'underground, forts de deux convictions : les livres publiés, les tableaux exposés, les pièces représentées étaient obligatoirement compromis et médiocres ; un artiste authentique était obligatoirement un raté. Ce n'était pas sa faute mais celle d'un temps où il était noble d'être un raté. Peintre, de gagner sa vie comme veilleur de nuit. Poète, de pelleter la neige devant une maison d'édition à laquelle jamais au grand jamais on ne soumettrait ses poèmes, et quand le directeur descendant de sa Volga, vous voyait avec votre pelle dans la cour, c'est lui qui se sentait vaguement morveux. On menait une vie de merde, mais on n'avait pas trahi. On se tenait chaud entre ratés, dans les cuisines où on palabrait des nuits entières, faisait circuler le samizdat et buvait de la samagonka, la vodka qu'on fabrique soi-même dans la baignoire avec du sucre et de l'alcool de pharmacie.
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Il y avait la littérature officielle. Les ingénieurs de l'âme, comme Staline avait un jour appelé les écrivains. Les réalistes-socialistes bien dans la ligne. La cohorte des Cholokhov, Fadeev, Simonov, avec appartements, datchas, voyages à l'étranger, accès aux boutiques pour hiérarques du Parti, oeuvres complètes reliées, tirées à des millions d'exemplaires et couronnées par le prix Lénine. Mais ces privilégiés n'avaient pas le beurre et l'argent du beurre. Ce qu'ils gagnaient en confort et en sécurité, ils le perdaient en estime de soi.
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Le grand dicton de l'époque, équivalent de notre "travailler plus pour gagner plus", c'était "on fait semblant de travailler, et eux, ils font semblant de nous payer". Ce n'est pas enthousiasmant comme façon de vivre, mais ça va : on se débrouille.
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