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Critique de Marcelline


Oserais-je la comparaison?... Il y a du Claude François dans cette lecture du Limonov d'Emmanuel Carrère: alors que la personne n'a rien d'"aimable", je ne peux m'empêcher de chanter ou danser dès les premières notes de n'importe laquelle de ses chansons; alors que le héros du livre d'Emmanuel Carrère a tout du personnage abject, j'ai dévoré avec gourmandise l'histoire de sa vie!

Ce que je n'ai pas aimé, c'est de lire avec plaisir la biographie d'un homme sulfureux, fasciste et prêt à tout pour être à la tête du pouvoir, encore vivant et n'ayant peut-être pas dit son dernier mot en matière d'actions violentes et moralement condamnables.

Ce que je n'ai pas aimé non plus, c'est de croire, l'espace de quelques pages, que j'allais enfin, à force de concentration, comprendre les tenants et aboutissants des conflits dans les Balkans (Sarajevo, les Serbo-Croates, le Kosovo,...) alors que finalement, non!...c'est presque toujours aussi incompréhensible pour moi...
Mais, par contre, j'ai apprécié que l'auteur me dise que le sujet est tellement compliqué que même les personnes concernées et impliquées au premier chef ne peuvent pas tout expliquer!

Et puis, j'ai aimé l'écriture d'Emmanuel Carrère, que je découvre par ce récit, et qui m'a donné une impression de grande proximité. Les références comme un hommage à sa mère, historienne de renom et justement spécialiste reconnue de l'URSS, sa façon de mêler ses réflexions sur son propre parcours et les parallèles qu'il fait, ou pas, avec celui de Limonov, m'ont rendu le texte très vivant et "humain". Il ne parle pas d'une idole inacccessible mais d'un être de chair et de sang que les choix politiques me rendent particulièrement antipathique mais qui, d'un autre côté, m'émeut par sa fidélité et l'amour inconditionnel qu'il a portés aux femmes de sa vie.

J'ai aimé aussi découvrir, à quelques pages de la fin, que Limonov avait des enfants. Alors que j'avais l'impression que l'auteur ne nous avait rien caché, pour ne pas dire rien "épargné", de la vie de son héros, j'apprends que ce qui est sans doute l'essentiel dans la vie d'un Homme, ses enfants, a été préservé. Je me suis sentie libérée: d'un seul coup, au lieu d'avoir un homme et toute sa vie jetés en pâture au jugement des lecteurs (de quel droit, malgré tout?), je me rends compte que l'auteur et son héros ne m'ont livré que ce qu'ils avaient envie de me dévoiler, qu'ils ont protégé ce qu'ils avaient décidé de taire. du coup, de mon côté, je me sens davantage autorisée à donner mon "jugement" sur les choix troubles et contestables de cet homme qu'aucune violence ne semble rebuter.

Et, bien entendu, j'ai beaucoup aimé voir se dérouler de façon tout à fait accessible toute l'histoire de la Russie au 20ème siècle, de l'ère communiste au régime dictatorial à l'éclatement de l'URSS et à l'installation "anarchique" d'un capitalisme incontrôlé et aux conséquences sociales dévastatrices. J'ai mieux compris ce que peut recouvrir l'"âme russe", si loin de mon monde occidental, et l'actualité de cette région dans la dernière décennie me semble moins obscure.

En bref, une biographie qui se lit comme un roman d'aventures, qui m'a apporté quantité d'informations sur l'histoire de la Russie (ce qui m'aide à mieux comprendre ses problèmes actuels), qui m'a donné très envie de lire Soljénitsyne (L'archipel du goulag et Une journée d'Ivan Denissovitch) et qui m'a fait découvrir un auteur, Emmanuel Carrère, dont je compte bien explorer très vite la bibliographie!...
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