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Critique de Sertorius


Ça ne devait pas être une sinécure d'avoir une relation amoureuse avec alexandra Kollontaï. D'une sincérité implacable, engagée dans la révolution avec la même ferveur qu'elle mettait dans ses passions personnelles, elle subordonnait toujours ses amours à ses combats. Mais la biographie que nous propose Hélène Carrère d'Encausse nous déçoit un peu tant cette vie tumultueuse nous est présentée de façon un peu fade. Un grand biographe comme Stefan Zweig nous aurait projeté un portrait aux couleurs plus violentes, plus conformes à ce personnage hors norme.
Ce livre a pourtant des mérites. D'abord celui de bien décrire le décor révolutionnaire qui enveloppe ce destin en mouvement. L'exposé des débats sur la guerre au début de 1914 qui déchirèrent les socialistes permet de bien comprendre le ralliement de Kollontaï aux thèses de Lénine, elle qui avait été longtemps proche des mencheviks.
Parmi les épisodes qui jalonnent son destin, je suis notamment très touché par celui de sa relation d'amitié avec les Lafargue. L'annonce de la mort de Paul et de Laura en 1911 fut pour elle un choc qui l'ébranla. Lors des funérailles, après Lénine qui fit un discours d'adieu dans un français très moyen, Alexandra s'exprima dans un français très pur, parlant avec émotion de la personnalité de Laura et l'amitié qui les avait liées.
Sa relation avec Staline est aussi surprenante. Comme elle s'était opposée à la NEP, la nouvelle politique entérinée par Lénine et Staline qui impliquait une mise entre parenthèses des mesures économiques les plus révolutionnaires, elle se trouvait fragilisée à la mort de Lénine en 1924. le récit de son entrevue avec Staline pour clarifier sa position est très étonnant : Staline, voyant qu'elle était disposée à rentrer dans le rang, l'écouta avec une certaine bienveillance et lui proposa un poste en Norvège. Il s'agissait de convaincre ce pays d'établir des relations diplomatiques avec l'URSS. Kollontaï réussit dans cette mission puisque la Norvège fut le premier pays à reconnaître l'URSS.
On pourra évidemment penser que si Kollontaï a survécu aux secousses de la terreur stalinienne ce fut probablement au prix de certaines compromissions. Dès 1935, son ancien amant Chliapnikov fut arrêté et torturé, mourant en prison, vraisemblablement assassiné. Avec lucidité elle confiait à un ami « J'ai compris que la Russie ne pouvait passer de l'obscurantisme à la liberté en quelques années. La dictature de Staline ou d'un autre qui aurait pu s'appeler Trotski était inévitable. Cette dictature a fait couler beaucoup de sang. Mais sous Lénine, beaucoup de sang et probablement beaucoup de sang innocent coulait déjà. »
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