Richard Waring avait transmis à sa fille, comme à ses nombreux élèves, l'amour des grands classiques. « On ne peut, disait-il, comprendre la pensée, la sensibilité d'un pays, si l'on n'en possède pas la langue. » Aussi Théola avait-elle appris le français, l'allemand, le latin et le grec. Bien souvent elle lui lisait à haute voix quelque grand auteur puis, longuement, ils échangeaient leurs impressions.
Elle avait peine à croire qu'il existât des gens importants comme le duc de Wellesbourne qui n'ouvraient jamais un livre, et pourtant étaient toujours prêts à donner un avis définitif sur n'importe quel sujet.
Jusqu'alors tout avait semblé faire partie d'un conte de fées. Dans son romantisme, elle s'était attendue à un monarque de haute taille et de belle figure, mais elle se souvint alors qu'il s'agissait d'un Habsbourg. Bien différent du prince charmant qu'elle avait imaginé, cet homme était de taille moyenne, assez corpulent, et avait un aspect tout à fait banal, avec toutefois un air froid et distant qui n'était pas sans rappeler l'attitude de Catherine.
Si les gifles de son oncle faisaient mal, les incessantes réprimandes de sa tante étaient presque plus pénibles à supporter. Jamais elle n'avait imaginé qu'il y eût sur terre de pareilles gens, ni que l'on pût vivre ainsi au milieu de la haine. Elle n'avait auparavant connu que l'amour, celui que se portaient ses parents et qui les nimbait d'une sorte d'aura, et la tendresse qu'ils lui témoignaient, la chérissant comme un objet précieux.