Bartolomé de Las Casas est un personnage fascinant, car son rôle a été extraordinairement audacieux dans son siècle, le XVIème. Arrivé dans le Nouveau Monde aux débuts de l'implantation espagnole, il en est un témoin direct. Il observe tous les méfaits de la soldatesque, des aventuriers, des colons, des chercheurs d'or et de la majorité des ecclésiastiques (lui-même est ordonné prêtre). Tout prétexte est bon pour tuer, torturer, violer, piller, spolier, réduire en esclavage les Indiens. En fait, il n'y a même pas besoin de prétextes. Ces crimes sont motivés notamment par la cupidité, la volonté d'évangéliser de force, mais aussi le libre cours laissé au sadisme des envahisseurs. Las Casas en est scandalisé et il tente, sur place et en Espagne, de s'opposer aux violences; mais son action, très isolée, n'est pas couronnée de succès. La "Très brève relation de la destruction des Indes", rédigée assez tard (en 1542), est un pamphlet virulent contre la colonisation entreprise par les Espagnols. Las Casas dénonce les exactions inouïes subies par les Indiens, dans les Caraïbes, mais aussi en Amérique Centrale et du Sud. (Quoique les époques soient très différentes, on peut penser au comportement des SS allemands en URSS ou des soldats japonais en Chine, pendant la seconde guerre mondiale). C'est une hallucinante litanie d'atrocités que l'auteur nous oblige à lire. Mais il insiste surtout sur le fait que les populations indigènes étaient d'un naturel extraordinairement pacifique, ne cherchant jamais à provoquer l'envahisseur. En ce qui concerne l'effondrement démographique des tribus indiennes, Las Casas cite des chiffres effroyables et, par exemple, évalue à quatre millions le nombre d'indigènes exterminés au Mexique par les conquistadors. Le fait que, dans son ensemble, les ecclésiastiques espagnols aient fermé les yeux sur les massacres (ou les aient même approuvés) est évidemment une circonstance aggravante. A ce sujet, une anecdote est rapportée: avant d'être brûlé vif, un chef indien, pressé de se convertir sur-le-champ, déclare qu'il préfère aller en enfer plutôt qu'au paradis où il risquerait de retrouver ses persécuteurs !
Quel est mon avis, en refermant cet ouvrage ? D'abord, quoique bref, le livre est pénible à lire, en raison de son sujet qui est terrible. Mais je m'interroge aussi sur l'exactitude du rapport de l'auteur. Comme je ne suis pas historien, j'ai essayé de me documenter un peu pour y voir plus clair. Il semble que personne n'a le droit de mettre en doute le comportement criminel des conquérants. Cependant, on peut penser que l'auteur exagère le nombre des personnes massacrées par les armes. En fait, la désertification rapide des territoires conquis peut s'expliquer également par la mortalité effroyable des indigènes, soit qu'ils aient été contaminés par les microbes importés par les Européens, soit qu'ils aient été extirpés hors de leur milieu naturel (beaucoup ont été obligés de travailler dans des mines).
Une autre question: tous les Indiens étaient-ils vraiment des « agneaux », comme l'écrit l'auteur ? j'en doute. Par exemple, la civilisation aztèque pratiquait systématiquement les sacrifices humains, mais Las Casas n'en fait pas mention ! Par contre, on peut supposer que la plupart des Indiens étaient très naïfs, incapables d'imaginer la fourberie et la méchanceté des Espagnols. Quoi qu'il en soit, ce livre rappelle qu'un génocide n'existe pour nous que s'il n'a pas été volontairement "oublié" par l'Histoire.
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Livre mordant pour la défense des Indiens et contre l'esclavage.... Un retournement, celui d'un "maître" devenu le porte-parole des opprimés.
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