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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit de la réédition d'un comics initialement paru en 2010, écrit par Joe Casey, dessiné et encré par Chris Burnham. La mise en couleurs a été réalisée par Marc Letzmann. La bande dessinée comprend 53 pages. Pour cette édition, ont été ajouté une postface de 2 pages du scénariste, 11 pages commentées par l'artiste allant du script à la page encrée, 6 pages d'étude graphique, et 6 illustrations en pleine page réalisées par Charles Paul Wilson III, Chris Chua, Kyle Strahm, Nathan Fox, Nick Pitarra, Reily Brown, Richard Sala, Rus Wooton, Ryan Browne, Sean Dove, Shane White, Steve Wilhite. Enfin se trouve une page annonçant Butcher baker (2012) du même scénariste, illustré par Mike Huddleston.

L'officier Terry Downe est totalement concentré sur sa tâche : il est en train de réaliser un cunnilingus d'anthologie à une femme couchée sur le dos sur son lit, en train de monter au septième ciel comme jamais. Il a conservé ses lunettes de soleil réfléchissantes. Après sept orgasmes d'affilée, elle remercie son amant. L'officier Downe indique qu'il ne faisait que son devoir : être au service du public. Elle s'étonne d'une odeur bizarre, mais lui ne la remarque pas. Il est interrompu dans sa phrase par un appel sur sa radio professionnelle. Il écoute et indique à sa partenaire que c'est pour lui. Il se rhabille et à sa demande il promet qu'il reviendra. Quelque part dans un entrepôt de Los Angeles, Headcase Harry surveille le processus de fabrication d'une drogue de synthèse, le super-crank. Les doigts de sa main gauche sont ensanglantés, et il laisse tomber deux globes oculaires dans un des vases utilisés pour la distillation. Les gardes prennent leur arme à feu en main car ils ont entendu du bruit à l'extérieur. Un poing ganté traverse un mur. Officer Down lance son pied en avant et continue de démolir le mur préfabriqué, permettant de lire le mot Police sur la semelle de sa botte. Il écrase le poing qui tient son pistolet sur le visage d'un trafiquant, tout en en saisissant un autre de la main gauche en le prenant par les bijoux de famille, et il écrase la trachée d'un troisième en marchant dessus. Il perfore le torse d'un quatrième en lui tirant dessus.

Officer Downe est dans la place et il a tôt fait de tuer tous les trafiquants. Headcase Harry est toujours vivant abrité derrière une table renversée ; il se relève et appuie sur un détonateur. Il se produit une énorme explosion qui pulvérise littéralement le bâtiment. Vingt et une minutes plus tard, deux fourgons du médecin légiste arrivent sur place. Une demi-douzaine d'agents du coroner fouillent les décombres et trouvent le cadavre d'Officer Downe. Ils le récupèrent et l'emmènent. Dans une autre partie de la ville, trois responsables du crime organisé tempêtent contre l'intervention de Downe qui vient de leur coûter cher. Ils décident d'avoir recours à Zen Master Flash, assassin à louer, et chef d'une bande organisée de tueurs qu'il forme dans une école implantée dans un endroit reculé. Les trois parrains, l'un avec une tête de lion, l'autre de tigre et le troisième de vautour, se rendent dans un sauna, et ils bénéficient chacun des services sexuels d'une jeune femme pour les détendre avec une fellation.

Ce n'est pas du Shakespeare. le scénariste est dans une phase où il écrit des histoires courtes, totalement focalisées vers l'action, sans faire dans le détail. Il faut donc que le lecteur ait un goût certain pour la violence graphique pour pouvoir apprécier ce déchaînement de brutalité, cette extermination de criminels, avec force et sadisme. En 53 pages, il va droit au but, enchaînant trois massacres, avec des blessures ouvertes, des arrachages de membre et des morts subites. L'artiste se fait un plaisir de montrer tout ça de manière explicite, avec une forme d'entrain un peu caricatural, du gore avec une touche d'exagération. Par exemple pour la première intervention d'Officer Downe, il réalise un dessin en double page pour montrer la force de son coup de pied, et une bande de 8 petites cases qui courent en-dessous. le lecteur peut voir en gros plan, la grosse paluche gantée de Downe saisir l'entrejambe d'un type dont on ne voit rien d'autre, et il sait que ça doit faire mal. Bien sur ce nettoyage par le vide a généré des projections de sang, et il y a une demi-douzaine de gouttelettes sur le visage de Downe, dont une sur un verre de lunette. le coloriste utilise un rouge bien vif pour le sang, jouant à la fois sur l'horreur et sur l'exagération pop.

Le lecteur retrouve ce brave officier sur une table d'opération en train d'être ramené à la vie, et il peut voir une plaie ouverte au ventre, le radius brisé est apparent, il manque la partie gauche du visage. À nouveau il y a une forme d'exagération qui apporte une vitalité épatante, et qui invite à une prise de recul ne permettant pas un premier degré bas du front. Pour l'intervention suivante, Downe fracasse le mur où se tiennent les criminels, en le défonçant avec son énorme 4*4. Un individu est éventré par le parechoc en forme de crocs, la moitié supérieure d'une tête (la partie avec la mâchoire supérieure, le nez, les yeux, le front) vole au premier plan en direction du lecteur. Parmi les horreurs bien gore, il est encore possible de mentionner des globes oculaires éjectés de leur orbite par la force du coup porté sur la tête, une main arrachée au niveau poignet, des dents délogées de la mâchoire, des chairs tuméfiées, de la matière cervicale mise à nu la calotte crânienne ayant été brisée, un poing traversant un crâne avec force, etc. Un vrai festival de violence sans retenue, de lutte sans merci, de déchaînement de force sans une once de remords ou de respect pour l'intégrité physique de l'individu. le scénariste a conçu un dispositif qui fait en sorte que le personnage principal n'ait pas à se préoccuper de l'état de son corps, et ses ennemis adaptent leur mode de réponse pour en tenir compte. Une vraie boucherie, avec une touche d'exagération grand guignol.

D'un côté, ce comics n'est pas très long, ce qui évite au lecteur de se lasser, et ce qui permet au scénariste de ne pas avoir à étayer son intrigue, ou à passer par des scènes d'exposition. Pour autant il prend quand le temps d'expliquer d'où provient l'énergie qui anime Terry Downe, et comment ses supérieurs le ramènent à la vie. Cela donne lieu à deux séquences fort impressionnantes où le dessinateur montrent les individus qui fournissent cette énergie, et ce qui peut leur en coûter quand il en faut encore plus à Downe. Même si la trame est simpliste, l'intrigue comprend plusieurs phases et ne se limitent pas à une longue séquence de massacre, prenant ainsi exemple sur Geoff Darrow et le combat hallucinant de Shaolin Cowboy (2004-2007) ou ceux de Carl Seltz dans Hard Boiled (1990-1992) avec Frank Miller. Il y a une progression dans l'intrigue, et dans la dimension des combats. L'artiste effectue un peu plus que le minimum dans la représentation des différents lieux, ne se limitant pas à un arrière-plan au début et plus rien après, et le scénariste intègre d'autres informations, en particulier sur l'histoire personnelle de Terry Downe, et la manière dont il est devenu cette machine de guerre. Par contre, il n'y a pas de commentaire social autre que la police doit exterminer les criminels qui sont monolithiques, violents et irrécupérables. Cette histoire a été adaptée en film : Officer Downe (2016) réalisé par Shawn Crahan, percussionniste de Slipknot, avec Kim Coates dans le rôle principal. Il semblerait qu'il soit également dans un registre très premier degré.

Après l'histoire se trouve un dossier très complet. La postface de Joe Casey est rédigée avec un ton sarcastique, indiquant qu'il s'est servi du modèle d'un ami policier pour créer l'officier Downe, et en particulier de sa propension à faire un usage immodéré de sa matraque, témoignage dont peut douter le lecteur au vu du ton employé. Il se trouve également un page d'information sur la réédition de la première collaboration entre ce scénariste et ce dessinateur : Nixon's Pals (2008). Les pages d'explication de Burnham s'avèrent plus enrichissantes avec des exemples de script de Casey, et le processus pas à pas : l'établissement d'esquisses pour découper la page, la réalisation au crayon, puis la phase d'encrage. Les études graphiques s'adressent avant tout aux artistes en herbe. Parmi les illustrations en pleine page, le lecteur sera plus ou moins marqué par celle très sale de Strahm, celle très charnelle de Fox, celle avec une figurine de Pitarra, ou encore celle de Browne tout à fait dans le ton de la série.

Voilà une histoire rondement menée qui n'est pas pour lecteur sensible ou émotif. Casey & Burhnam ne font pas semblant de chercher des excuses : il raconte une nouvelle brutale et sadique, avec blessures explicites, qui fonce dans le tas, sans autre ambition qu'un défouloir gore, d'un policier surpuissant exterminant la vermine avec brutalité et de manière définitive. Parfait pour les amateurs du genre.
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