— Tu n’as pas terminé ton morceau de tarte, me dit Shirley. Tu veux que je t’amène autre chose ? J’ai encore quelques cookies.
Elle m’avait donné une part plus grosse que ma tête.
— La tarte est super, dis-je. Je suis bourré, c’est tout.
— Regarde-le un peu, m’man, dit Jacob. Tu peux pas t’attendre à ce qu’il mange autant que moi.
Ce qui était vrai. J’étais à peu près aussi épais que l’une des cuisses pleines de muscles de Jacob.
— Combien d’Auracels ?
Je me rendis compte qu’il fouillait d’une main dans sa poche, et ce fut comme si les nuages s’étaient écartés et qu’un rayon de soleil venait de se poser sur lui.
— Tu en as sur toi ?
Il me sourit. Il a un sourire spécial rien que pour moi, qui parvient à la fois à me rassurer tout en me promettant qu’il me baiserait jusqu’à défoncer le matelas le moment venu.
— Je dois te l’avouer : je suis soulagé que c’est juste une histoire d’Auracel.
Il me tendit le gobelet.
— Combien t’en as ?
— Dix.
— Ouah. T’es bien préparé.
— J’étais chez les scouts.
— C’est effrayant. Et bandant. Les deux en même temps.
— Je fais vraiment tout ce que je peux pour être un petit ami convenable, dis-je. Mais je ne crois pas être fait pour ça.
— Arrête.
— Non, c’est vrai. Je ne sais pas comment maintenir une famille. Et à l’évidence, je suis incapable de fonctionner si je suis pas au moins un peu médicamenté.
— C’est quoi le sujet de la discussion ? demanda Jacob. Tu es en train de me larguer, ou t’essaies de me dire que tu veux te rendre aux Narcotiques anonymes ?
Léon hocha la tête en direction de son épaule droite.
— Je l’ai perdu à l’usine en soixante-dix-huit. Cette saleté me fait encore mal.
Je cillai. La manche droite de Léon n’était pas enroulée. Elle était épinglée à l’épaule de sa chemise. Il n’avait plus de bras droit… en tout cas, pas un qui soit fait en chair et en os véritables. Mais moi, je pouvais voir son bras manquant. La fête avait enfin commencé pour de bon. Hourra.