La Confédération n’offre aucun recours à ses citoyens contre la rapacité des grandes entreprises. Son peu de poids politique est tourné vers l’extérieure, il permet à l’humanité d’afficher une unité de façade dans ses relations avec les autres puissances sentientes. En interne, elle n’est jamais parvenue à faire l’unanimité de toutes nos sous-cultures autour d’une constitution. Nous n’arrêtons pas de nous chamailler. Un visiteur de passage dans l’espace homsap peut rencontrer tout type de système politique et économique, du culte écolo au fascisme. Sur certains de nos mondes les plus divisés, plus de cinquante gouvernements différents se partagent le pouvoir, et se bombardent parfois allègrement les uns les autres depuis l’orbite. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, nous sommes témoins de génocides au sein de la Confédération ; voilà aussi ce qui explique la persistance de cette forme d’esclavage financier avec lequel Santiago a grandi, alors qu’on devrait aligner ses bénéficiaires contre un mur et les exécuter.
Une partie d’elle-même résistait, sachant qu’une fois de retour dans le vaste monde, elle se retrouverait infiniment plus seule qu’ici, en compagnie d’un autre monstre.
[dans Démons invisibles]
L’expérience aidant, j’ai développé une classification assez pointue de mes ennemis. Ceux qui, entre deux coups tordus, se prétendent vos amis sont les pires ; ils sont persuadés d’agir pour votre propre bien, jusque dans les privations qu’ils vous infligent.
Les humains sont comme ça, ils ne peuvent pas s’empêcher de penser qu’un endroit leur appartient, simplement parce qu’ils y vivent.
Un homme est moins dangereux s’il pense toujours avoir une chance de gagner que s’il a perdu tout espoir.
– En fait, je suis là pour permettre aux Riirgaans d’exploiter une faille. Les IAs-source qui gèrent l’habitat ont accepté la présence d’observateurs, mais d’une seule espèce, obligée, par traité, de partager ses découvertes avec les autres. Le choix s’est porté sur les humains. Les “miens”, les Riirgaans, ont émis le souhait d’avoir tout de même des yeux et des oreilles sur place. Ils ont tiré quelques ficelles et négocié leur propre accord avec la Confédération, obtenant ma nomination comme consultant indépendant. Les IAs-source connaissent mon statut juridique, mais soit, contrairement à la Confédération, elles font passer la biologie avant la citoyenneté, soit elles s’en moquent. Je suis donc un humain, sans être humain.
« L’expérience m’a montré qu’en situation de crise, la médiocrité peut coûter des vies. »
Il me lança un regard entendu
« Relisez vos livres d’histoire. La grandeur tue davantage ».
Je n’avais rien à opposer à ça.
- Le mal me fait peur, aussi. C'est un concept si troublant, si étranger. Qu'un être puisse limiter ses relations avec l'univers à la satistaction égoïste de ses propres besoins et ne laisser pour héritage que la souffrance causée à autrui ; cette idée-là m'empêche de dormir la nuit, elle m'effraie autant qu'elle me fascine. Si je croyais posséder cette caractéristique je préférerais ne pas vivre. »
Nous sommes tous des propriétés, Maître. la seule chose qui importe, c’est de bien choisir son maître.
La soirée avait été sinistre. Ostensiblement tenue à l’écart des conversations, elle avait néanmoins saisi quelques bribes la concernant, en général sur un ton scandalisé. Le reste se résumait aux rivalités internes et aux psychodrames habituels de la vie d’une ambassade. Son bref séjour n’en troublerait guère la routine.