AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


Le Cid, vous connaissez ? C'est de Corneille, n'est-ce pas ? Et si je vous dis maintenant que c'est une pure transcription en français (car le mot traduction serait inapproprié) d'une pièce espagnole ? Si j'ajoute à cela que la transposition est extrêmement fidèle à l'original ? Seul le soucis des rimes et de la métrique est imputable au seul Corneille, car même des figures de styles typiquement " cornéliennes " sont parfois présentes chez Guillén de Castro, telle que la fameuse litote « Va, je ne te hais point. » ou des chiasmes savoureux déjà écrits textuellement dans l'original espagnol...

Bref, je ne crois pas me tromper beaucoup en affirmant que notre plus grand tragédien français, Pierre Corneille, doit énormément au dramaturge espagnol complètement oublié qu'est Guillén de Castro y Bellvis. Mais ce n'est pas la seule dette contractée par Corneille auprès de son homologue ibérique. le ressort tragique d'Horace, à savoir le combat de deux hommes au nom de leur nation afin d'éviter l'affrontement sanguinaire de deux armées, est lui aussi un emprunt issu de cette pièce. Et, très sincèrement, je le comprends l'ami Corneille, car je vous avoue que j'ai pris grand plaisir à cette lecture.

Alors qu'en est-il de cette Jeunesse du Cid ? Tout d'abord, il faut savoir que ce personnage, Rodrigo Díaz de Vivar, a réellement existé au XIème siècle et qu'il est une figure importante du Moyen-Âge espagnol, notamment de la Reconquista. Ce surnom de « cid », altération de l'arabe « seyid » signifiant seigneur lui fut attribué par les Maures eux-mêmes suite à de nombreuses défaites qu'il leur infligea.

Le titre de cette pièce prend alors plus de sens car, pour Guillén de Castro, cet épisode ne constitue que la jeunesse de cet illustre personnage pour lequel il a écrit une seconde pièce intitulée Les Exploits du Cid.

Le décor est posé : nous avons donc un noble Castillan à la cour de son roi, à une époque où Castille, Aragon, Léon, Estrémadure, Asturies, etc. ne sont pas encore des régions d'un ensemble unifié mais des royaumes séparés que les souverains successifs vont s'efforcer de conquérir et de relier.

Rodrigue est jeune, mais il est vaillant. Son père, Diègue Laínez, est lui aussi un fier chevalier quelque peu altéré par son grand âge. À telle enseigne que le Comte d'Orgaz, dit le Comte Hardi, n'hésite pas à le gratifier d'un soufflet en présence même du roi. C'en est trop pour don Diègue qui exulte de rage, sans détenir la force de provoquer en duel cet irrévérencieux.

Il demande donc à son fils de bien vouloir venger son honneur perdu. Mais l'affaire n'est pas simple car le comte a la réputation d'être un guerrier hors pair. C'est d'autant moins simple que Rodrigue est raide dingue de la fille du comte, une belle et désirable Chimène. Que faire ? Combattre et perdre Chimène ou ne pas combattre et perdre l'honneur de son père ?

La raillerie du comte achève de faire prendre la décision à notre jeune et fringant Rodrigue et, comme de bien entendu, le comte y perdra un coeur.
La belle Chimène, qui elle aussi virevolte d'amour pour Rodrigue, se trouve bien embêtée par cet état de fait. Comment aimer encore publiquement le meurtrier de son père ?

Alors la roublarde fait semblant d'être extraordinairement hostile au Cid et le poursuit partout où elle le peut, offrant même, sur un coup de tête (c'est le cas de le dire), sa fortune et sa main à qui serait capable de lui apporter la tête de Rodrigue sur un plateau…

Bref, une pièce admirable, déjà en cette prime version et que, bien sûr, Pierre Corneille élèvera encore, s'il est possible, au rang de rare joyau de la littérature mondiale. Cependant, il est toujours bon d'aller puiser à sa source un breuvage aussi succulent que le Cid, parole de Normande. Mais ce n'est bien sûr qu'un simple avis, pas toujours aussi pétillant qu'une bolée de Cid, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          6113



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}