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Critique de memma


memma
19 novembre 2016
Je viens juste ajouter une vision subjective du roman, qui a été déjà été très bien décrit. J'ai toujours envisagé ce livre comme un livre sur la guerre de 14. Or la guerre n'est décrite que dans les 200 dernières pages de mon édition qui en comporte 500. Encore cette "guerre" se compose-t-elle largement du transport de troupes des Etats-Unis vers la France. de surcroît, il ne s'agit pas du tout d'une représentation réaliste de la guerre de 14. Hemingway disait que la guerre de Willa Cather était une réécriture des épopées de Griffith.

Mais c'est justement cette dimension épique qui m'intéresse. Outre le fait qu'elle est l'aboutissement d'un cheminement qu'on peut rapporter au roman d'apprentissage, effectivement, ou au chemin du "pélerin" protestant, elle est un des sujets du livre. le roman montre (et peut-être ne montre-t-il que cela) le processus qui conduit Claude à devenir un héros épique. La guerre est d'abord envisagée en opposition avec une vie mortelle d'ennui et de frustration. Par ailleurs, la distance y fait aussi, et les histoires plus ou moins fictives qu'on raconte dans le Nebraska sur l'Europe. La scène où, venant d'apprendre la déclaration de guerre, Claude parle avec sa mère de Paris et de la France en sortant livres et cartes est une de celles qui m'a le plus frappée. Dès lors la guerre n'est pas un fait, mais une histoire, susceptible de mettre en scène un idéal de soi. Avant même de partir, Claude est d'avance statufié, vitrifié, immobilisé dans la dernière vision qu'à travers ses larmes, sa mère a de son "magnifique fils" (elle le dit clairement : "Mes vieux yeux, pourquoi me volez-vous cette dernière image de mon magnifique fils"). Et il reste non pas "one of us", mais "one of ours", l'un des nôtres, dépossédé de sa propre personne, tout entier dévolu à la gloire de la communauté.

Hemingway se moque de l'incapacité de "cette pauvre femme" à écrire la guerre, évidemment. Mais une femme comme Willa Cather pouvait bien se demander pourquoi les hommes qui partaient à la guerre étaient souvent si gais et si fiers (comme on le voit effectivement sur les photos des premiers trains). Et quelles étaient les strates d'histoires lues et entendues, de fierté parentale, de rêves d'aventure qui pouvaient provoquer cela.
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