Citations sur Poèmes anciens ou retrouvés (7)
Les Murs
Sans égards, sans pudeur, sans pitié,
de hauts, de larges murs ils m’ont environné.
Et me voilà ici à me désespérer,
ne songeant qu’au destin qui dévore ma pensée.
Moi qui avais tant à faire au-dehors.
Ah, ces murs qu’on dressait, comment n’y ai-je pas pris garde.
Mais aucun bruit de bâtisseurs ne me parvenait, pas un son :
tout doucement, ils m’ont emmuré hors du monde.
/Traduction Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Lorsqu’elles s’éveillent
Efforce-toi de les conserver, poète,
même s’il en est peu qui se laissent capturer,
les visions de ton amour sensuel.
Glisse-les, à moitié cachées, dans tes phrases.
Efforce-toi de les conserver, poète,
lorsqu’elles s’éveillent dans ton cerveau,
la nuit, ou dans l’éclat du midi.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Monotonie
Un jour monotone, puis un autre,
monotone, tout pareil.
Les mêmes choses viendront, viendront encore.
Pareils, les instants nous prennent, et nous laissent.
Un mois passe, en amène un autre.
On devine sans peine ce qui vient :
les choses d’hier, les choses routinières.
Et le lendemain n’a même plus l’air d’un lendemain.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Mer matinale
Qu’ici je m’arrête.
Et qu’à mon tour je regarde un peu la nature.
D’une mer matinale et d’un ciel sans nuages
les bleus resplendissants ; le jaune rivage.
Tout cela beau et baigné de lumière.
Qu’ici je m’arrête, pour me donner à croire
que je les vois, ces choses (ne les ai-je pas vues en arrivant ?),
elles, et non plus mes chimères,
mes souvenirs, les fantômes du plaisir.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Si loin
Je voudrais l’évoquer, ce souvenir…
Mais il s’est effacé,
rien n’en reste pour ainsi dire
— C’est si loin,
c’est dans ma première adolescence qu’il repose.
Une peau qu’on eût dite de jasmin…
En cet août de jadis
— mais était-ce août ? —
le soir…
Quant aux yeux, c’est à peine…
Ils étaient bleus, je crois…
Ah ! oui, bleus…
bleu saphir.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
À la toute fin
En proie aux craintes et aux doutes,
l’esprit troublé et les yeux apeurés,
nous n’avons de cesse de chercher à échapper
à la certitude du danger, à sa terrible menace.
Nous faisons erreur, pourtant, car ce n’est pas lui
qui est là devant nous ; les messages étaient erronés
(ou bien nous n’avons pas entendu, ou les avons mal compris).
Voici qu’une autre catastrophe, que nous n’aurions pu imaginer,
fond soudain sur nous, brutalement, sans prévenir
— il est trop tard, maintenant — et nous emporte.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Les Fenêtres
Dans ces chambres obscures où les journées me pèsent,
je tourne, je tourne çà et là cherchant les fenêtres.
Qu’il vienne à s’en ouvrir une, quel réconfort pour moi.
— Mais de fenêtres point, ou je ne sais pas les trouver.
Et peut-être est-ce mieux que je n’en trouve pas.
Peut-être la lumière serait-elle un nouveau supplice.
Qui sait quelles nouveautés elle révélera.
/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris