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Critique de Wazlib


Nick Cave, ce cher Nick Cave, ne cesse de m'impressionner. Après avoir livré je pense, un de de ses meilleurs albums ("Skeleton Tree"), et après avoir signé un live d'anthologie juste hallucinant dans sa qualité et son intensité ("Distant Sky"), voilà que je découvre sur une étagère de la médiathèque son roman, "Mort de Bunny Munroe".
Si la qualité de parolier et de chanteur de Nick Cave est pour moi un certitude absolue, je ne l'avais encore jamais lu sur un format véritablement littéraire. Et c'est peu de dire que je suis assez confus. Autant d'ailleurs par le roman, que par ce que certaines critiques insinuent.

Essayons de faire ça point par point. Avec ce roman, Nick Cave me semble bien s'incarner en anti-John Fante. Et ça pique un peu, parce que si j'ai toujours adoré les losers, c'était bien ces "beautiful losers" que dépeignaient Fante, Brautigan ou Toole. Des gars qui loupent tout, mais avec un éclat tel que c'est heureux. Des culs-de-sacs illuminés, des solitudes bruyantes! Finalement, de jolies personnes qui, dénuées d'une compagnie suffisante à exister pleinement, ont échoué à vivre dans la normalité.
Là, c'est tout l'inverse. Bunny Munroe a tout l'attribut du loser, mais possiblement parce que c'est un connard. Il n'y a pas vraiment d'autres mots: addict à un peu près n'importe quoi se rapprochant du vice (et en premier lieu le cul, juste omniprésent) et n'étant motivé je pense par aucune bonne foi, malgré les rares moments d'échappatoire qu'offre le livre. Et je pense que l'effet recherché par Nick Cave au départ se devait être plus subtil: que ce soit par quelques phrases glissées ici et là, ou plus grossièrement par une fin cathartique et théâtrale, on imagine bien que l'idée de départ était d'en faire un personnage de bon fond. Or, on s'y perd dans ce personnage. On avance dans une déréliction devenant étouffante, page après page, et on sait vers quoi tout ça nous mène.
Alors, dans ce côté loser-connard, Nick Cave n'est pas si maladroit. C'est caricatural, mais pas seulement: Nick Cave a par exemple la bonne idée de casser cette espèce de mécanique hypnotisante avec brutalité. Cette mécanique, vous la comprendrez bien vite, c'est: Bunny entend Kylie Minogue, pense à son cul, ce qui le mène au vagin d'Avril Lavigne, puis il voit une gonzesse de 10 ans sa cadette, lui balance un sourire suranné, et finit par se la taper.
Alors bon, concluons par dire que ce roman aurait gagné à avoir un personnage plus touchant, plus ouvert (par sa volonté ou à son insu). Finalement, le seul élément touchant du livre s'avère être à-travers le prisme de son enfant, qui malheureusement ne fait jamais écho très longtemps.

Sur le plan de l'intrigue, Nick Cave avance très vite et très fort. On ne s'ennuie pas, les pages défilent à tout allure dans un crescendo désordonné qui rappelle le cours des pensées de notre cher Bunny. On aurait tendance, une fois encore, à imaginer une relation entre le père et son fils plus touchante, plus travaillée. Je pense que si Bunny s'était tapé trois fois moins de filles et avait réalisé juste un ou deux flashbacks en plus, le résultat final aurait été bien plus équilibré.

Et arrivons donc à l'écriture de Nick Cave. Bon, je ne vais pas passer par quatre chemins: il est bien meilleur parolier que romancier. Autant le souligne une enième fois, c'est probablement un des meilleurs paroliers de notre temps. En ce qui concerne son roman, il est loin d'être mal écrit. Disons plutôt qu'il n'est pas aidé par le fond. Parfois, on sent l'écriture de Nick Cave prête à s'envoler, et les métaphores se filent, les atmosphères s'installent, lourdes. Ce n'est jamais de très longue durée, sauf à la fin, où le tout se révèle tout de même assez touchant.
Mais contrairement à ce que j'ai lu dans certaines critiques, je n'ai pas retrouvé dans ce roman d'ambiance ressemblant franchement aux Bad Seeds, pourtant dieu sait que je les apprécie! Il n'y a ni franc mystère, ni sens de la tournure ou de travail particulier d'atmosphère.

Je réaliser en terminant cette critique que j'ai dit peu de bien de ce roman. C'est parce qu'il m'a beaucoup déstabilisé. Je ne m'attendais pas à ça du tout, avec Nick Cave. Ce n'est pas mauvais, et je dirais même que chez un auteur inconnu, je trouverais ça assez intriguant. Je reste donc très indécis dans cette conclusion, et vous laisse forger votre avis si le coeur vous en dit.
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