Il y a des gens que ça amuse de jeter de la nourriture. Ils la rapportent chez eux dans leur cabas en plastique, ils la mettent au frigo et ils attendent qu’elle se transforme en immondices. On dirait qu’ils l’achètent exprès pour la balancer à la poubelle. Des gens qui achètent des immondices pour les jeter à la poubelle et aller se coucher tranquilles. Des boîtes emboîtées dans des boîtes, du papier empaqueté dans du papier, du plastique plastifié qui traverse l’Italie et le monde sur les autoroutes hiver comme été pour être jeté dans une poubelle à l’étranger. Si ça se trouve ce lait a été produit à l’autre bout du monde. On trait les vaches en Pologne, on écrème le lait en Hollande et on le vend en Italie. Et quand il se transforme en immondices il finit dans une décharge napolitaine, on l’emballe dans les Abruzzes, il voyage en train jusqu’en Allemagne où un ouvrier turc défait la balle, différencie, recycle et revend le plastique qui va servir à faire la bouteille de lait. Et toi tu rachètes du lait pour le laisser tourner au frigo. Parce que tu n’as pas le temps d’en boire, parce que tu fais trois boulots, parce que la fois où tu avais quatre sous de côté la banque t’a dit « investis ton argent, achète des actions Parmalat » et que tu es devenu un nouveau pauvre et que la télévision parle de toi quand elle parle des Italiens qui « n’arrivent pas à la fin du mois », c’est comme ça qu’on dit. La fin du mois, la fin de l’année, la fin du monde en direct à la télé. Que des produits à date de péremption.
Quand le docteur a ouvert ma mère, il n'a pas trouvé l'œsophage. Il avait brûlé à cause de l'acide. Mon père s'en servait pour tuer les rats dans la poulaillère. [...] Alors il jetait de l'acide dans les trous à rats et il les brûlait. Mais l'hiver n'était pas loin et mon père voulait savoir si avec le froid l'acide gèle. Il disait "si ça se trouve je leur balance de l'acide dessus et au lieu de cramer les rats font du patin à glace". Il a mis la bouteille au freezer pour faire un test et ma mère l'a sifflée. C'est arrivé par erreur. Quand le docteur l'a ouverte, il n'a pas trouvé l'œsophage. (p.9)
Ce monde est sûrement la parodie d’un autre monde.
Quelque part ailleurs qu’ici, il y a quelqu’un qui nous ressemble, qui mène une vie pareille à la nôtre, mais qui le fait sérieusement. Alors que nous, sur cette planète un peu aplatie aux deux pôles, nous singeons une vie qui ne nous appartient pas, pour laquelle nous ne sommes pas à la hauteur.
Et la fatigue qui m’accablait comme un gros pull et toutes les pensées qui pesaient sur mes épaules, je les aurais démêlées et posées par terre.
Il y avait quelque chose de tragique chez mon oncle.
Quelque chose qu’on ne trouve que dans les multitudes de personnes, d’objets ou de concepts. Il a le charme de ces milliers de sacs-poubelles qu’éventrent des nuées de mouettes omnivores en transhumance au-dessus des décharges. Il dégage le même attrait dégoûtant, la même séduction répugnante que la menace aux aguets. C’est un malheur posé dans un fauteuil, le Chinois qui attend assis au bord du fleuve, qui t’attend pour te faire trébucher. C’est la toile d’araignée qui se remplit de poussière en attendant que passe une mouche. (…)
Même son cerveau émettait une odeur et du bruit, un bourdonnement un peu métallique du genre que fait un frigo qui va bientôt lâcher et qui commence à cracher une fumée acide. Un ronflement qu’accompagne la puanteur du fréon. Et puis le frigo s’ouvrait et on apercevait quelque chose à l’intérieur. Derrière ce simulacre, un être humain pointait le bout de son nez, une voix s’élevait, et alors on s’arrêtait pour l’écouter.
Quand le docteur a ouvert ma mère, il n’a pas trouvé l’œsophage.
Il avait brûlé à cause de l’acide. Mon père s’en servait pour tuer les rats dans la poulaillère. Il disait qu’avec ses pièges mon oncle n’était pas fichu d’en attraper un seul, que le fromage et la tapette à ressort, ça ne marche que dans les dessins animés de Tom et Jerry. Alors il jetait de l’acide dans les trous à rats et il les brûlait. Mais l’hiver n’était pas loin et mon père voulait savoir si avec le froid l’acide gèle.
Il disait « si ça se trouve je leur balance de l’acide dessus et au lieu de cramer les rats font du patin à glace ».
Il a mis la bouteille au freezer pour faire un test et ma mère l’a sifflée. C’est arrivé par erreur. Quand le docteur l’a ouverte, il n’a pas trouvé l’œsophage.
Tu parles et aucun mot ne sort de ta bouche. (p.197)
Le nuage avait la forme d'une bite. (p.137)
Barbie montre son cul sur le calendrier. (p.61)