AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


Ce livre est le livre de la banlieue. Enfin, d'une certaine banlieue. Car « la banlieue se meurt, la banlieue est morte, morte sous nos yeux. On ne parle plus guère d'elle qu'à la rubrique des faits divers ou dans les bilans des promoteurs. Leurs ancêtres les lotisseurs avaient démantelé les domaines, quadrillé les champs et les bois pour y parquer ces troupeaux de pavillons précaires qui furent longtemps le symbole du bonheur. Mais leurs successeurs commencent à les grignoter un à un : ils reconstituent de vastes aires afin d'y couler, en hauteur ou en largeur, du ciment percé de fenêtres. le Plan nous promet pour demain une seule ville qui s'étendra de Paris à Meaux, à Dreux, à Senlis ; et, après demain, Chartres, Evreux, Beauvais. Des sentinelles de béton encercleront quelques « réserves » naturelles, les forêts de Compiègne, de Chantilly, de Fontainebleau, lesquelles serviront de dimanche mais aussi de décharge aux gens de la ville. Nos petits-enfants diront si j'ai tort ».
Ce texte a été écrit en 1974. le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il était prémonitoire. Et pourtant, il y a eu une époque où la banlieue montrait un autre visage. On peut la retrouver encore dans quelques beaux albums-photos de Robert Doisneau ou Willy Ronis, « La banlieue, c'était encore les fiançailles de la ville et de la campagne. A présent… »
A travers une quinzaine de nouvelles ou de courts récits, c'est donc une banlieue qui meurt que nous dépeint Gilbert Cesbron. La banlieue, c'est la couronne d'épines qui entoure Paris (la ville). Et si le décor est en perpétuelle évolution (chantiers, tours et blocs, autoroutes et rocades) les habitants sont toujours là, continuant à vivre et à mourir, à rire et à pleurer, à rêver, à chercher sans trouver, et parfois à trouver sans chercher…
Le premier récit « Un roman de poche » raconte l'histoire de Gérard (dit Jerry), un fou de vitesse sur sa moto, qui accompagne sa copine Sylvie pour aller voir sa grand-mère en banlieue. Des personnages qui annoncent très clairement « Ensemble c'est tout » d'Anna Gavalda
Des histoires d'ados, mais aussi des histoires de personnes âgées, comme Adolphe, surnommé Les Eparges, qui a gagné une voiture à la Radio (il a reconnu l'air de « Salut aux morts du 115ème »), ou Monsieur T, incompris de sa femme, remplissant une fiche de choses à ne pas oublier, ou de Madame la comtesse de Méréville, châtelaine de Gentilly, morte d'humiliation pour avoir reçu le « colis de Noël des Economiquement faibles »…
Des histoires de gens comme vous et moi : comme Roblin, le conducteur de bus, qui un soir ne rentre pas au dépôt… ; comme Marie et Daniel, les amoureux de Garches : une histoire d'amour éclose dans un hôpital entre deux malades perdus ; comme Hervé, ce petit garçon de Fermigny qui va se perdre sur le chantier de l'autoroute...
Des histoires de toutes les couleurs, du rose au gris, qui ont comme point commun de se dérouler dans le cadre tragique de cette banlieue qui meurt, étouffée par le béton, l'égoïsme et le manque de communication, mais transcendée parfois par l'amour entre les êtres.
Gilbert Cesbron met dans ses nouvelles la même puissance d'émotion que dans ses romans, la même compassion envers les déshérités, la même sympathie envers tous ses personnages, humains, simplement mais pleinement humains.
Le livre est dédié à Clara Candiani et à son mari José-Maria Trias. Certains d'entre vous se souviennent peut-être de cette petite dame au grand coeur qui avait une émission sur France-Inter : « Les Français donnent aux Français ». C'était avant Coluche et les Restos du coeur.



Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}