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Critique de afriqueah



Génial, cette idée : Qu'écouteraient Nietzsche, Heidegger, Freud ou Platon, aonsi que d'autres philosophes s ‘ils devaient écouter de la musique contemporaine ?
Défendant la musique de variété, Marianne Chaillan pioche les paroles de certains et les rapproche de la philosophie. Bien sûr, dit elle, Stromae n'est pas Heidegger, et Goldman n'est pas Hegel, mais ils ne prétendent pas l'être, leurs chansons ne sont pas des traités de philosophie. Et pourtant, ils réussissent sans doute mieux que les deux H. Ce livre étant très dense, je vais citer seulement quelques extraits, malheureusement.


Prenons Nietzche . Il écoutait Wagner, il écouterait aujourd'hui Jennifer : « ce qui ne me tue pas me rend forte », célèbre maxime du Crépuscule des idoles. Car pour le philosophe les faibles inondent les forts de leur ressentiment, sachant que ces notions faibles/forts ne recouvrent absolument pas un jugement moral ou religieux, mais la force de vie, le désir vital de célébrer la joie, alors qu'il a payé cher en restant seul et en défendant sa pensée iconoclaste.

Nietzche écouterait donc Stromae, « faire la fête et que l'on vous fasse la fête, » par un renversement des valeurs tout à fait nietzschéen.
Seul l'homme construit accepte son destin » l'amor fati » qui rend possible l'éternel retour. Comme dit Maurane : « peines, peines, je vous prends cent fois, si l'on me comble ce vide-là de joie, des mille et des millions de fois. » On peut avoir connu des deuils et des ruptures, des pertes tragiques, accepterions nous de revivre pareil ? Oui, si nous avons aussi accumulé les joies. C'est ça être fort.

Nietzche écouterait aussi Eddy Mitchell, « Pas de boogie -woogie avant vos prières du soir » : rien n'interdit de danser après les prières. le curé interdit sur un air de danse, c'est drôle, exactement comme Nietzche prônait le renversement positif des valeurs.

Prenons Freud : la chanson « Lemon incest » de Serge Gainsbourg, faisant chanter à sa fille, » je t'aime , je t'aime plus que tout, Papa, papa » a pas mal choqué. Il ne dit pourtant pas autre chose que Freud, avec son complexe d'Oedipe, dans ce cas complexe d'Electre, ayant tué sa mère meurtrière de son père Agamemnon, père qu'elle aimait comme Charlotte aime son père, et comme toutes les petites filles aiment le leur. Ce désir infantile, dit Freud, n'est pas du tout choquant, car plus tard se dresse pour le repousser la barrière de l'inceste. Gainsbourg le dit : « l'amour que nous ne ferons jamais ensemble ». Et Freud le disait : Contre l'inceste ou la pédophilie, la barrière de l'interdit aide le petit à refouler ses désirs partiels, et l'éducateur a de sérieux devoirs en ce sens. C'est l'adulte qui doit s'interdire et permet ainsi à l'enfant de devenir adulte.

Prenons Kant: Jacques Dutronc dans : « fais pas ci, fais pas ça », énonce que la morale est une contrainte venant de l'extérieur. Bergson dit de même : le « tu dois » vient de l'extérieur. S'il n'y avait pas d'interdit, nous ne serions peut être pas si moraux que ça.
Pour Kant, au contraire, la morale est intérieure à chaque être humain ; il n'écouterait sans doute pas les chansons de Dutronc, ni ne suivrait les conseils que Goldman donne à une femme adultère : « Ne lui dis pas ». le mensonge, même par omission ne peut devenir un mot d'ordre, ou une valeur, pour tous, de façon universelle. Car si tout le monde ment à son conjoint, la suspicion remplacerait l'amour.

Alors, après avoir cité quelques exemples de ce livre écrit en 2015, j'ajoute : celui ou celle qui considèrent que, s'ils sortent en temps de confinement, le monde ne va pas s'écrouler, méconnaissent totalement ce que dirait Kant sur le sujet : l'impératif moral est universel, et si chacun se donnait le droit individuel de l'enfreindre, tout le monde pourrait le faire. Et à la fois, pourquoi pas ?

Restons confinés. Et lisons, tiens, la philosophie et Marianne Chaillan qui nous la rend musicale et compréhensible.
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